L’histoire du Festival
Les origines > 1948
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Les origines > 1948
L’après-guerre est un terreau fertile pour la renaissance artistique et le développement des festivals. Le cinéma et le théâtre sont à l’honneur avec l’instauration de deux manifestations internationales majeures leur étant intégralement consacrées – le Festival de Cannes et celui d’Avignon, créés en 1946 et 1947. Dans ce sillage, le Festival d’Aix voit le jour à l’été 1948.
L’aventure aixoise est intimement liée à la figure de Gabriel Dussurget, et à la mythologie qui s’en est dégagée – tout comme celle d’Avignon l’est à l’égard de Jean Vilar. Impresario parisien, co-fondateur du Ballet des Champs-Élysées avec Boris Kochno et Roland Petit (1945), et futur conseiller artistique de l’Opéra de Paris auprès de Georges Auric, G. Dussurget s’entoure à Aix-en-Provence d’une équipe d’hommes et de femmes passionnés permettant l’émergence d’un haut lieu lyrique européen.
Pendant la guerre, la comtesse Lily Pastré, grande amie des arts issue de la bourgeoisie marseillaise, a fondé l’association « Pour que l’esprit vive » : elle convie et héberge des artistes juifs dans sa bastide de Montredon, qui devient une terre d’accueil pour tous musiciens, peintres et écrivains en fuite, cherchant à gagner la zone libre. En 1947, Gabriel Dussurget rencontre la comtesse. Grâce à l’aide et au réseau de cette dernière, il parvient à réaliser un des projets qui l’anime depuis plusieurs années, inspiré par ses voyages à travers l’Europe, et notamment par son passage à Salzbourg : un « festival Mozart ».
Gabriel Dussurget tombe sous le charme d’Aix-en-Provence et de la cour de l’Archevêché, dans laquelle il imagine la tenue de ce festival. En s’associant au Casino municipal d’Aix Thermal, le rêve musical s’y incarne dès l’été suivant. La cour, autrefois au centre du complexe archiépiscopal d’Aix-en-Provence, métamorphosée en jardin public au XXe siècle, devient en 1948 le lieu majeur des festivités musicales aixoises.
Le directeur de la Société du Casino Aix Thermal, Roger Bigonnet, œuvre pour la réussite de cette première édition du « Festival Mozart » en juillet 1948. Les concerts et récitals se succèdent dans la cour de l’ancien Archevêché, au Jas-de-Bouffan, dans le Musée des Tapisseries et en divers lieux de la ville d’Aix-en-Provence – on peut notamment entendre la pianiste roumaine Clara Haskil.
Parallèlement à ces concerts, un opéra est monté : Così fan tutte de Mozart. L’œuvre, dont la dernière représentation en France remonte à 1926 sur la scène de l’Opéra-Comique, est méconnue du public français. Gabriel Dussurget fait travailler la troupe de la comédienne Marisa Morel, engage le peintre Georges Wakhévitch pour créer le petit décor de fond de scène et parvient à obtenir la participation de Hans Rosbaud, chef d’orchestre du Südwestfunk de Baden-Baden, qui dirige l’Orchestre des Cadets du Conservatoire.
JE CROIS QUE LA FORCE DU PREMIER SPECTACLE D’AIX A ÉTÉ D’ÊTRE UN SPECTACLE RÉUSSI, DE GRAND GOÛT, DE TRÈS BELLE QUALITÉ MUSICALE, MAIS UN SPECTACLE D’AMATEURS.
Edmonde Charles-Roux
Gabriel Dussurget interviewé par Ève Ruggieri à Aix-en-Provence, 22 juillet 1992 (INA)
UNE NOUVELLE HISTOIRE DES DÉBUTS DU FESTIVAL : LES FEMMES QUI ONT FAIT AIX-EN-PROVENCE

Cour du Théâtre de l'Archevêché © Henry Ely - Aix

Pelléas et Mélisande, 1966 © Henry Ely
1949 > 1973
1949 > 1973
1949 > 1973
1949 > 1973
Le succès phénoménal et d’emblée international du Festival permet d’envisager immédiatement une deuxième édition en 1949. C’est au tour du peintre Cassandre de dessiner les décors du nouvel opéra de Mozart mis en scène, Don Giovanni. Il imagine aussi le théâtre qui occupe la cour de l’Archevêché, et qui sera en usage jusqu’au début des années 1970.
Le Casino d’Aix-en-Provence accompagne le développement du Festival, en tant que structure organisatrice des spectacles et des concerts. Roger Bigonnet, puis Jean Bertrand à partir du milieu des années 1960, sont les directeurs de l’établissement de jeux et de la manifestation lyrique, tandis que Gabriel Dussurget endosse le rôle de directeur artistique ; Edmonde Charles-Roux se charge des relations avec la presse, et Hans Rosbaud en devient le principal directeur musical, à la tête de l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire.
Cette époque est celle de la magie fondatrice de l’esprit du Festival, faisant de la Ville d’Aix-en-Provence un « Salzbourg français », un terreau où l’on réinvente un Mozart « méditerranéen », joyeux, dans une émulation artistique et intellectuelle incomparables ; c’est la période du « Don Juan aux étoiles », selon le mot de François Mauriac, en référence à la production de Don Giovanni de 1949 – lorsque nombre de musicologues et d’Académiciens et tout un public international se déplacent à Aix.
Ces vingt-cinq premières années donnent résolument le ton et la ligne artistique du Festival : Mozart, la musique baroque, la création contemporaine, l’importance des voix. À l’origine « Festival Mozart », la manifestation prend en 1949 le titre de « Festival international de musique d’Aix-en-Provence ». Toute une avant-garde musicale se presse à Aix : le groupe des Six, le jeune Boulez qui présente son Marteau sans maître (1955), mais aussi Henri Dutilleux, qui donne la première audition publique de sa Première Symphonie (1952) et crée son Concerto pour violoncelle à l’Archevêché avec Mstislav Rostropovitch (1970) ; Maurice Le Roux y donne, sous la baguette d’Ernst Bour, Le Cercle des Métamorphoses (1953) ; Olivier Messiaen y propose la création européenne de la Turangalîla-Symphonie (1950). On y entend pour la première fois en France le Concerto pour piano de Poulenc, mais aussi le quatuor italien I Musici, pionniers dans la redécouverte de la musique baroque. Des chefs d’orchestre prestigieux sont invités : Herbert von Karajan dirige des concerts aux Baux-de-Provence (1954), et la Symphonie Fantastique de Berlioz à l’Archevêché (1969), et Hans Rosbaud, Serge Baudo et Carlo Maria Giulini sont les fidèles piliers du Festival.
La cour de l’Archevêché devient le théâtre privilégié de Mozart. Aix-en-Provence est alors le seul endroit en France où l’on peut écouter ses ouvrages dans leur intégralité et en langue originale. Le Festival d’Aix est un lieu de création permanente autour d’un canon mozartien qui s’élargit : à partir de quatre titres fondateurs – Così fan tutte (1948), Don Giovanni (1949), Die Entführung aus dem Serail (1951), Le Nozze di Figaro (1952) –, c’est au tour de Die Zauberflöte (1958) puis Idomeneo (1963) de faire leur apparition. Pour compléter ces titres, Il Barbiere di Siviglia (Rossini), dans des décors d’André Derain, trouve aussi rapidement sa place parmi les œuvres reprises régulièrement.
La programmation met également à l’honneur des œuvres de musique baroque, quelques années avant le vaste mouvement de redécouverte de ce répertoire. Gabriel Dussurget programme des œuvres de Monteverdi, à commencer par L’Orfeo (en version de concert en 1950), L’incornazione di Poppea (1961), ainsi que Il Combattimento di Tancredi e Clorinda (1967, chorégraphié par Pierre Lacotte) mais également de Rameau – dans une brillante production de Platée où le ténor Michel Sénéchal s’illustre (1956) –, de Purcell (Didon et Énée, 1960), de Haydn (Il mondo della Luna, 1959, dans des décors de Denis Malclès).
L’identité scénique et artistique du Festival se noue surtout dans l’alchimie qui se crée avec les décorateurs. Marqué par le travail des Ballets Russes à Paris, Gabriel Dussurget fait du Festival un creuset des arts de la scène en invitant peintres et plasticiens de renom : après Cassandre, ce sont Balthus (Così fan tutte, 1950), André Derain (Die Entführung aus dem Serail, 1951), Antoni Clavé (Le Nozze di Figaro, 1952), François Ganeau (Carmen, 1957), André Masson (Iphigénie en Tauride, 1952), Suzanne Lalique (Didon et Énée, 1961), Pierre Clayette (Ariadne auf Naxos, 1963), Jacques Dupont (Pelléas et Mélisande, 1966) ou encore Nathalie Gontcharova (Les Noces, 1962) qui imaginent décors et scénographies pour les opéras présentés à Aix.
À côté de ces productions de répertoire se compose également un patrimoine artistique contemporain, avec une grande place accordée à la création. En 1954, on crée ainsi Les Caprices de Marianne (Henri Sauguet), et en 1961, Lavinia (Henri Barraud). Les compositeurs locaux sont mis à l’honneur : en 1962, Gabriel Dussurget programme Les Malheurs d’Orphée de Darius Milhaud, compositeur aixois, et Béatrice de Planissolas, opéra de Jacques Charpentier en occitan (1971). La Provence, plus largement que la ville d’Aix, inspire le Festival, qui essaime en 1954 aux Baux-de-Provence pour des représentations de Mireille de Gounod (sujet inspiré de l’œuvre du poète provençal Frédéric Mistral), et régulièrement au Tholonet, face à la montagne Sainte-Victoire, pour nombre de concerts et pour une production de Carmen mise en scène par Jean-Pierre Grenier (1957).
Enfin, le mérite du Festival repose sur la découverte de grandes voix : Marcello Cortis, Graziella Sciutti, Renato Capecchi (premier interprète du rôle-titre de Don Giovanni), Mady Mesplé, Pilar Lorengar, José Van Dam, Régine Crespin (La Damnation de Faust, 1963), Rolando Panerai et Luigi Alva – réunis dans la très belle production de Così fan tutte de 1957, aux côtés des « deux Teresa » (Teresa Stich-Randall et Teresa Berganza), véritables stars du Festival, sans oublier Gabriel Bacquier, que l’on retrouve dans Don Giovanni, en Golaud dans Pelléas et Mélisande (1966) ou encore en Falstaff (1964), premier opéra de Verdi monté au Festival. La toute jeune Anja Silja est également la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée de 1959.
En 1959, Gabriel Dussurget est nommé conseiller artistique de Georges Auric à l’Opéra de Paris et occupe cette fonction jusqu’à l’année 1972, date à laquelle il quitte ses fonctions artistiques au Festival d’Aix, dans un contexte de crispation avec la direction du Casino municipal. Le Ministère des affaires culturelles supervise la programmation musicale de l’édition 1973, et reprend fermement la main sur l’organisation du Festival, dont il estime que le rayonnement doit s’étendre.

Don Giovanni, 1949 © Henry Ely

Gabriel Dussurget et Christiane Eda-Pierre, 1979 © Henry Ely
1974 > 1981
1974 > 1981
1974 > 1981
1974 > 1981
Une deuxième page s’ouvre en 1974, avec l’arrivée de Bernard Lefort à la direction générale du Festival d’Aix, dont l’organisation est profondément remodelée : le Casino municipal devient coproducteur des spectacles et des concerts de « l’Association pour l’organisation du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence », structure essentiellement pilotée par les différentes collectivités territoriales.
La première édition de Bernard Lefort est placée sous le signe de l’ouverture du répertoire, avec la programmation de Luisa Miller de Verdi ; présent pour seulement sept saisons, l’ancien baryton et directeur de l’Opéra de Marseille programme un répertoire issu du bel canto, avec des œuvres bien connues (Don Pasquale, L’elisir d’amore), ou au contraire plus rares (Roberto Devereux de Donizetti en 1977). De grandes productions restent dans les mémoires : Semiramis de Rossini (1980) avec une mise en scène de Pier Luigi Pizzi, où Montserrat Caballé et Marylin Horne forment un duo de haut vol, Werther de Massenet (1979), et plusieurs opéras scénographiés par Jorge Lavelli, parmi lesquels La Traviata (1976) ou encore Alcina (1978), où brillent notamment Christiane Eda-Pierre et Teresa Berganza.
Bernard Lefort fait du Festival une « fête du chant », décernant chaque année une « Cigale d’or » d’honneur à un chanteur – la première lauréate, en 1974, étant Elisabeth Schwarzkopf. Dans une optique de démocratisation et de célébration de toutes les voix, ce sont aussi Ella Fitzgerald (1975) et Joan Baez (1977) qui se produisent dans de grands concerts en plein air sur la place des Cardeurs. Enfin, Bernard Lefort instaure un nouveau format de concert, les « Une heure avec », récitals donnés dans le cloître de la cathédrale Saint-Sauveur, mettent en avant de jeunes artistes ou des stars confirmées : c’est dans ce cadre que la pianiste Hélène Grimaud débute, et que le public se familiarise avec la musique baroque, autour de moments avec James Bowman ou encore Christophe Rousset.
En quelques éditions, le Festival d’Aix s’est inséré dans le réseau des grandes scènes lyriques internationales. Le Théâtre de l’Archevêché est cependant étroit, et limite le développement des publics, malgré la volonté d’extension du nombre et de l’audience des manifestations.

Bernard Lefort et Elisabeth Schwarzkopf, 1974 © Henry Ely

Alcina, 1978 © Henry Ely
1982 > 1996
1982 > 1996
1982 > 1996
1982 > 1996
Appelé à la direction de l’Opéra de Paris pour succéder à Rolf Liebermann, Bernard Lefort cède sa place à Louis Erlo, directeur de l’Opéra de Lyon et de l’Opéra Studio de l’Opéra de Paris. Ce dernier, dans un esprit « d’innovation et de fidélité » aux racines du Festival, renoue avec la découverte du répertoire baroque. Il ouvre symboliquement sa première saison par la création mondiale des Boréades de Rameau (1982) : l’opéra est monté à Aix pour la première fois, près de deux cents ans après le décès du compositeur français, dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty. John Eliott Gardiner ou encore William Christie et son ensemble Les Arts Florissants sont les invités réguliers du Festival – depuis leur production de The Fairy Queen de Purcell (1989), spectacle total et enchanteur, jusqu’au Sémélé de Händel, mis en scène par Robert Carsen (1996), en passant par Castor et Pollux de Rameau (1991) et Orlando de Händel (1993). Mozart retrouve une place de choix dans la programmation, et Louis Erlo fait donner, en plus des titres les plus connus, Mithridate, Re di Ponto (1983), et une œuvre encore inédite, La Finta Giardiniera (1984), élargissant toujours le répertoire mozartien du Festival.
À côté de ce foisonnement baroque et classique, la musique contemporaine n’est pas en reste : le Festival, en partenariat avec le centre de musique contemporaine Acanthes, accueille en 1977 la seule audition complète de la pièce de Stockhausen Sirius ; puis le spectacle La Tour de Babel de George Aperghis (1986). Claude Prey crée également son opéra Le Rouge et le Noir (1989) après plusieurs étés passés à Avignon pour des créations de théâtre musical. Enfin, le Festival ouvre aussi la porte au répertoire lyrique du XXe siècle, notamment avec la production très réussie du Midsummer Night’s Dream de Benjamin Britten mis en scène par R. Carsen (1991), ou encore celle de L’Amour des trois oranges de Prokoviev (1989) ou du Rake’s Progress de Stravinski (1992).
Des spectacles toujours plus ambitieux en termes de mise en scène voient le jour, dans un théâtre de la cour de l’Archevêché régulièrement rénové pour abriter des décors volumineux et permettre l’essor des coproductions. En 1985, le chantier colossal de construction d’un nouveau théâtre (projet de Bernard Guillaumot) impose la démolition du mur de fond de la cour de l’Archevêché, afin de le rebâtir pierre par pierre, cinq mètres plus loin.
Les grandes voix de la scène internationale défilent à Aix : Jessye Norman (Phèdre dans Hippolyte et Aricie en 1983), Barbara Hendricks, Samuel Ramey… Enfin, le Festival s’associe toujours à des peintres qui signent affiches et programmes de chaque édition : Victor Vasarely, Zao Wou-Ki, Louis Toffoli, Jean Bazaine, Louise Bourgeois…
Une manifestation de cette ampleur a un coût, et le Festival d’Aix connaît une grave crise financière dans les années 1990 : après avoir tenté de redresser la barre avec la création d’une Société d’Économie Mixte (1991), le Festival ferme ses portes en 1997, le temps de rénover le Théâtre de l’Archevêché et de réorganiser un nouveau projet pour 1998.

Louis Erlo, 1982 © Henry Ely
1998 > 2006
1998 > 2006
1998 > 2006
1998 > 2006
AVEC LA CRÉATION DE L’ACADÉMIE EUROPÉENNE DE MUSIQUE, C’EST UNE NOUVELLE AVENTURE QUI S’OUVRE POUR LE FESTIVAL. L’ACADÉMIE AIDERA À L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ARTISTES AYANT ASSIMILÉ LES BOULEVERSEMENTS MUSICAUX QUI SE SONT PRODUITS DEPUIS 50 ANS. ELLE LEUR PERMETTRA DE SE CONFRONTER À L’ENSEMBLE DU RÉPERTOIRE, SANS DISTINCTION DE GENRE. ELLE SERA UN LIEU DE DÉCOUVERTE, DE RENCONTRE ET D’ÉCHANGE ENTRE JEUNES CHANTEURS, INSTRUMENTISTES, COMPOSITEURS ET METTEURS EN SCÈNE.
Stéphane Lissner
Une troisième ère s’ouvre pour le Festival en 1998, cinquante ans après sa fondation. Il renaît sous la forme d’une nouvelle association, fortement soutenue par toutes les tutelles publiques, et sous la direction de Stéphane Lissner. Homme de théâtre, ancien directeur du Théâtre du Châtelet, il transforme le Festival en profondeur, le hissant au niveau d’une unité de production de spectacles à part entière, notamment grâce à la création d’ateliers de fabrication de décors et de costumes à Venelles.
Sous le triple symbole de la jeunesse, du chant et de Mozart, le Festival ressuscite, et avec lui, émerge l’Académie européenne de musique. Depuis 1998, l’Académie promeut la formation de jeunes chanteurs, instrumentistes et compositeurs de haut niveau. Le baryton français Stéphane Degout est par exemple révélé au public dans Die Zauberflöte en 1999.
Avec un nouveau théâtre dans la cour de l’Archevêché reconstruit pour l’occasion, le Festival investit progressivement de nouveaux espaces : le Théâtre du Jeu de Paume, ancien théâtre municipal, est rénové et accueille de nombreuses créations et les œuvres du répertoire baroque – notamment un cycle Monteverdi conduit par les Arts Florissants entre 1998 et 2000 ; le domaine du Grand Saint-Jean devient l’écrin des productions lyriques demandant les plus grands effectifs, en attendant que le Grand Théâtre de Provence, œuvre de l’architecte Vittorio Gregotti, ne sorte de terre en 2007.
Sans jamais oublier son noyau mozartien et le répertoire qui a fait son renom, le Festival inaugure ce Grand Théâtre de Provence avec Die Walküre (2007), second opus de la Tétralogie menée par Sir Simon Rattle et le Philharmonique de Berlin (2006-2009). Mozart demeure à l’honneur (ouverture du Festival en 1998 avec un Don Giovanni mis en scène par Peter Brook), tout comme Benjamin Britten, notamment avec la production de The Turn of the Screw mis en scène par Luc Bondy (2001).
Cette nouvelle page de l’histoire du Festival se place dans la continuité de la tradition instaurée par Gabriel Dussurget et de sa volonté de proposer un spectacle total. Dès sa première saison, Stéphane Lissner convie Trisha Brown (L’Orfeo, 1998, puis Hippolyte et Aricie en 2010), Pina Bausch (Le Château de Barbe-Bleue de Bartók, 1998), Anne Teresa de Keersmaecker (Hanjo, 2004), plaçant la danse contemporaine au cœur du dialogue inter-artistique que peut susciter la création lyrique. Les grands noms de la mise en scène contemporaine se trouvent tous les étés à Aix : Stéphane Braunschweig (L’Affaire Makropoulos en 2000), Peter Brook (Don Giovanni en 1998), Klaus Michael Grüber (L’incoronazione di Poppea en 1999, et un spectacle-triptyque rassemblant Boulez, Schönberg et Stravinsky, avec Anja Silja et dirigé par Pierre Boulez en 2006). Stéphane Lissner invite également Patrice Chéreau pour son retour à l’opéra en 2005 pour un Così fan tutte.
Le Festival devient aussi un lieu d’intense création musicale avec de nombreuses commandes : Festin de Yan Maresz, Le Balcon de Peter Eötvös d’après Jean Genet (2002), et en co-commande avec le Théâtre de La Monnaie de Bruxelles, Hanjo> de Toshio Hosokawa d’après Yukio Mishima (2004) ou encore Julie de Philippe Boesmans d’après Mademoiselle Julie d’August Strindberg (2005).
La qualité des formations orchestrales, des ensembles vocaux et de la direction contribue également à faire des spectacles d’Aix-en-Provence un haut lieu de l’opéra. Si Pierre Boulez dirige régulièrement des formations symphoniques pour des productions lyriques ou des concerts, on peut venir entendre à Aix Claudio Abbado (1998), Daniel Harding, Sir Simon Rattle – qui dirige notamment, à l’occasion de la célébration du centenaire de la mort de Cézanne face à la Montagne Sainte-Victoire, la Cinquième Symphonie de Mahler, mais aussi Laurence Equilbey (La Cenerentola, 2000), Marc Minkowski (L’incoronazione di Poppea, 1999 ; Die Entführung aus dem Serail, 2004) ou René Jacobs (L’Orfeo, 1998 ; Così fan tutte, 2000). C’est également au Festival que se forme le Mahler Chamber Orchestra autour de la production de Don Giovanni mis en scène par Peter Brook (1998, repris en 1999 et 2002), et qui est présent sur un grand nombre de concerts et opéras du Festival.
L’édition 2003 est marquée par la grève des intermittents du spectacle sur l’ensemble du pays, et l’annulation de la quasi-totalité des représentations, à Aix tout comme pour de nombreux festivals. Le Festival est fragilisé, mais reprend son fonctionnement dès l’été 2004. Appelé au Teatro alla Scala de Milan, Stéphane Lissner quitte le Festival à la fin de l’édition 2006, après avoir lancé le premier Ring du Festival d’Aix (Rheingold, au Théâtre de l’Archevêché), mais sans avoir inauguré le Grand Théâtre de Provence – construction qu’il avait appelée de ses vœux.

Stéphane Lissner © Elisabeth Carecchio

Don Giovanni – Festival d'Aix-en-Provence 1999 © Elisabeth Carecchio
2007 > 2018
2007 > 2018
2007 > 2018
2007 > 2018
COMBLER UN TRÈS LARGE PUBLIC ET LUI PERMETTRE, GRÂCE À LA VOIX DES ARTISTES, DE DÉCHIFFRER LE MONDE EN DEVENIR.
Bernard Foccroulle
La direction de Bernard Foccroulle constitue une nouvelle étape dans la construction de l’identité du Festival d’Aix, fondée sur l’ouverture – à de nouveaux publics, de nouveaux répertoires. L’ancien directeur du Théâtre de La Monnaie veut ancrer le Festival d’Aix dans son siècle et ses enjeux : il tient à transmettre la vocation universelle de l’art lyrique et à former les spectateurs de demain. Il crée dès son arrivée un service socio-artistique ambitieux, Passerelles, afin de toucher les publics les plus éloignés de l’opéra. En 2013, l’ouverture au public s'accroît avec la création d'Aix en juin, prélude au Festival de juillet, s'achevant avec un grand concert gratuit sur le cours Mirabeau devant plus de 5000 personnes.
Par ailleurs, ayant apporté sa contribution au projet Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture, le Festival s'ouvre sur le bassin méditerranéen. Il fonde le réseau Medinea, et, après quelques années de collaboration, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM) est intégré au Festival en 2014 – année où l’institution est nommée « Meilleur festival d'opéra » aux International Opera Awards à Londres.
C’est également le temps d’un approfondissement des missions de l’Académie : sous la direction d’Émilie Delorme, elle continue de révéler les plus grandes voix de la scène lyrique contemporaine (Julie Fuchs, Sabine Devieilhe, Jakub Józef Orliński) et des ensembles de musique de chambre (le Trio Sorà ou le Quatuor Zaïde), mais elle s’engage aussi désormais dans l’accompagnement des artistes dans le milieu professionnel de l’opéra. Par de nombreuses résidences et des ateliers, ainsi qu’à travers le réseau enoa (créé en 2009), l’Académie accompagne le développement des carrières de tous les métiers de la création lyrique.
Ces grandes orientations demeurent liées à une programmation variée d’excellence. Les grands noms de la mise en scène sont toujours au rendez-vous aixois : Patrice Chéreau renouvelle sa collaboration avec De la maison des morts de Janáček, dirigé par P. Boulez (2007), et crée une ultime production à Aix en 2013 (Elektra), quelques semaines avant sa mort. Peter Sellars (Zaïde en 2008), Joël Pommerat, William Kentridge (Le Nez de Chostakovitch en 2011, Winterreise en 2014), Olivier Py (Idomeneo, dirigé par Marc Minkowski en 2009), Dmitri Tcherniakov (Don Giovanni en 2010, et Carmen en 2017), ou encore Jean-François Sivadier (La Traviata en 2011, Don Giovanni en 2017) sont régulièrement invités. Katie Mitchell, metteuse en scène en résidence au Festival (2012-2018) et créatrice et mentor de l’Atelier Créatrice d'opéra de l’Académie, marque la scène aixoise de son univers, avec Written on Skin (création de George Benjamin, 2012), The House Taken over (création de Vasco Mendoça, 2013), Trauernacht (2014), Alcina (2015), Pelléas et Mélisande (2016, repris en 2024) ou encore Ariadne auf Naxos (2018).
La création lyrique est encouragée avec une intensité et des moyens soutenus, aboutissant à la naissance de grands succès contemporains, comme Pinocchio (2017) de Philippe Boesmans, mais aussi Written on skin (2012) de George Benjamin mis en scène par Katie Mitchell, dont le rôle principal est créé par Barbara Hannigan. Aux côtés de ces grandes formes, B. Foccroulle encourage aussi le développement de créations plus resserrées (Passion de Pascal Dusapin, 2008), des opéras de chambre (Thanks to my eyes d’Oscar Bianchi, 2011), et des formats originaux (Le Monstre du Labyrinthe, opéra participatif de Jonathan Dove, 2015). Dans cette veine, la création de l’opéra Kalîla wa Dimna, chanté en arabe et en français avec le chœur d’amateurs Ibn Zaydoun (2016), conjugue l’envie de faire de l’opéra un art universel à celle d’en faire un support de travail interculturel.
Bernard Foccroulle poursuit la tradition du Festival de redécouverte d’œuvres anciennes. On présente au Théâtre du Jeu de Paume des œuvres du premier baroque : Elena de Cavalli (2013), ressuscité par Capella Mediterranea de Leonardo García Alarcón, et Erismena (2017), du même compositeur. Monteverdi est toujours à l’honneur, aux côtés d’un cycle Händel (Ariodante, Alcina, et Il trionfo del tempo e del disinganno, entre 2014 et 2016). Enfin, les résidences estivales du Berliner Philharmoniker (2006-2009) puis du London Symphony Orchestra (2010-2013) avec Sir Simon Rattle, ainsi que la présence régulière du Freiburger Barockorchester, ou encore celle de chefs français comme Emmanuelle Haïm, Louis Langrée, Raphaël Pichon ou encore Jérémie Rhorer, ont contribué à forger une identité musicale aixoise d’excellence.
Après trois mandats et douze années passées à la direction de la manifestation, Bernard Foccroulle quitte Aix-en-Provence en 2018, après avoir célébré les 70 ans du Festival.
Bernard Foccroulle tout juste nommé au Festival, journal de France 3, 30 juin 2007 (INA)

Bernard Foccroulle, 2010 © Pascal Victor

La Traviata – Festival d’Aix-en-Provence 2011 © Pascal Victor
![Parade[s] - Cours Mirabeau - Festival d'Aix-en-Provence 2019](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fmedias.festival-aix.com%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2023-01%2Fparades2019-67-2720pxl.jpg&w=3840&q=75)
Parade[s] – Festival d'Aix-en-Provence 2019 © Patrick Berger
Depuis 2019
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Depuis 2019
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LE FESTIVAL D’AIX EST UNE PLANÈTE PRÉCIEUSE QUI BRILLE AU FIRMAMENT DE LA SCÈNE INTERNATIONALE
Pierre Audi
L’arrivée de Pierre Audi à la direction du Festival d’Aix pour la saison 2019 fait entrer celui-ci dans une nouvelle ère, sans renoncer aux fondamentaux qui font son succès depuis 1948. Pierre Audi affirme au Festival d’Aix la vitalité de l’opéra, malgré des temps marqués par les crises mondiales du COVID-19, du changement climatique et de la reprise des guerres en Europe.
Metteur en scène de premier plan, Pierre Audi a consacré une grande partie de sa carrière aux œuvres de Monteverdi, de Wagner, mais aussi à celles du XXe siècle ainsi qu’à la création. Particulièrement sensible à l’art contemporain, il a collaboré avec nombre d’artistes plasticiens : Karel Appel, Georg Baselitz ou encore Anish Kapoor. Au Festival d’Aix, il convie les grands noms de la mise en scène internationale – Lotte de Beer, Andrea Breth, Romeo Castellucci, Barrie Kosky, Simon McBurney, Simon Stone… – comme les artistes montants de la nouvelle génération – Silvia Costa, Ted Huffman.
CHERCHER À RENOUVELER L’OPÉRA, CE N’EST PAS SEULEMENT PROPOSER DES INTERPRÉTATIONS FONDÉES SUR DE NOUVELLES DRAMATURGIES ; C’EST AUSSI DÉPLACER LES LIGNES DU RAPPORT ENTRE LE PUBLIC, LES INTERPRÈTES ET LE CONTENU.
Pierre Audi, Lyrik, 2022
Pierre Audi fait du décloisonnement entre les arts et de l’extension des frontières de l’opéra une marque de fabrique, mise en œuvre depuis toujours dans sa longue carrière de direction d’institutions de spectacles. À 22 ans, il fonde à Londres l’Almeida Theater et son Festival of Contemporary Music and Performance, dont il assure la direction jusqu’en 1989. Il est alors nommé directeur artistique du Dutch National Opera (1988-2018) ; tout en assurant ses fonctions à la tête de la maison, il s’occupe également du Holland Festival (2004-2015), et fonde le Opera Forward Festival en 2015 – lieux d’innovation et d’interdisciplinarité dans le monde lyrique. Ce goût pour des lieux atypiques et pour la forme festivalière se confirme, lorsqu’il prend la direction artistique du Park Avenue Armory de New York en 2015, avant d’accepter celle du Festival d’Aix-en-Provence en 2019.
Par des propositions originales et novatrices, Pierre Audi cherche à ouvrir le monde lyrique à une multiplicité de formes d’arts, pour le décloisonner et le vivifier : mise en espace d’œuvres non scéniques, propositions mêlant musique, arts plastiques et vidéo, valorisation du théâtre musical. En 2019, pour la première fois depuis la création du Festival, Mozart est mis à l’honneur sur la scène du Théâtre de l’Archevêché non pas par la mise en scène d’un opéra, mais par la mise en espace du Requiem par Romeo Castellucci. En 2022, le metteur en scène prolonge ce geste avec la Deuxième Symphonie de Mahler, Résurrection, au Stadium de Vitrolles ré-ouvert pour l’occasion. Nombre de spectacles et de propositions artistiques contribuent à faire du Festival d’Aix un lieu d’interdisciplinarité et de dialogue entre les arts : opéra numérique avec Blank Out (Michel van der Aa, 2019), collaboration avec la Comédie-Française autour de L’Opéra de quat’sous (Thomas Ostermeier, 2023), théâtre musical (Woman at Point Zero, 2022), art lyrique et cinéma (Rebecca Zlotowski, Bertrand Mandico, Evangelia Kranioti pour le spectacle Ballets russes, 2023). En 2020, la pandémie mondiale du Covid entraîne la création de la Scène Numérique, permettant le développement de contenus musicaux et artistiques innovants.
En hommage au compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, qui a contribué à de nombreuses éditions dans l’histoire du Festival, Pierre Audi marque sa programmation avec INCISES, une série de manifestations mettant en lumière la musique contemporaine en construisant de nouveaux ponts entre l’art lyrique et les arts visuels. La création est ainsi au cœur de la programmation du Festival, tant du côté des opéras - Innocence (Kaija Saariaho) et L’Apocalypse arabe (Samir Ohed-Tamini) en 2021, Il Viaggio, Dante (Pascal Dusapin) et Woman at Point Zero (Bushra El-Turk) en 2022, Picture a day like this (George Benjamin) et The Faggots and Their Friends Between Revolutions (Philip Venables) en 2023 – que de celui des concerts – La natura del mondo (Pascal Dusapin, 2021), Alchymia (Thomas Adès, 2022), Ces belles années… (Betsy Jolas, 2023), sans compter les nombreuses et régulières créations voyant le jour dans les résidences et concerts de l’Académie ou de la Méditerranée (Gamal Abdel-Rahim, João Barradas…). Plus encore, INCISES porte l’accent sur la musique contemporaine, programmant régulièrement au concert des œuvres de compositeurs d’aujourd’hui, comme George Benjamin ou Wolfgang Rihm.
Pierre Audi réancre par cette voie le Festival dans sa tradition de concerts symphoniques et de musique de chambre, rassemblant les plus grands noms de la direction musicale et des orchestres internationaux : l’Ensemble Pygmalion, le London Symphony Orchestra, Cappella Mediterranea, l’Orchestre Balthasar Neumann, le Mahler Chamber Orchestra, l’Orchestre de Paris… et propose une programmation riche en opéras en version de concert (Norma, 2022 ; Otello, Lucie de Lammermoor et Le Prophète, 2023).
Enfin, à la suite de Bernard Foccroulle, et prolongeant une longue tradition du Festival d’Aix, Pierre Audi approfondit l’ancrage méditerranéen du Festival d’Aix. Né à Beyrouth, Pierre Audi fuit la guerre civile du Liban pour poursuivre ses études en France et en Angleterre, avant de développer sa carrière en Europe. Il accompagne au Festival le développement de l’axe « Méditerranée » – tant par le recrutement du chef Duncan Ward au poste de directeur musical permanent de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée en 2020 que par la poursuite d’une riche programmation de concerts interculturels durant Aix en juin ou pendant le Festival en juillet.
Pierre Audi a été renouvelé pour un second mandat à la tête du Festival d’Aix à partir de 2024, durant lequel il mettra notamment en œuvre une démarche de redécouverte et de valorisation du patrimoine de l’institution.
ENTRETIEN AVEC PIERRE AUDI : RÉSURRECTION, POUR QUE LE RITUEL REDEVIENNE POSSIBLE

Pierre Audi © Sarah Wong

Requiem – Festival d'Aix-en-Provence 2019 © Pascal Victor

Tosca – Festival d’Aix-en-Provence 2019 © Jean Louis Fernandez