WAED BOUHASSOUN : VOIX DE LA PASSION ET POÉSIE DE L'OUD

Au festival
lundi14juin 2021

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Grande voix au timbre chaud, de velours, Waed Bouhassoun chante avec grâce ses compositions sur des œuvres de la poésie arabe, en s’accompagnant de l’oud. Sa vocation s’est dessinée au sein de sa famille en Syrie, avant de s’épanouir en France pour un heureux « métissage » de richesses culturelles. Portrait d’une musicienne remarquable, qui sera en concert vendredi 18 juin à l’abbaye de Silvacane, dans le cadre d’Aix en juin.

Rien ne la destinait à jouer de l’oud, antique cousin du luth et instrument-roi du monde arabe. Née dans une famille mélomane et bercée au cours de sa jeunesse par les grandes voix arabes, Waed Bouhassoun s’approprie l’instrument à l’âge de sept ans, alors que celui-ci était destiné à son frère, finalement peu intéressé. Rapidement, elle apprend avec son père des petites chansons traditionnelles locales et se consacre par la suite au répertoire classique arabe de la première moitié du XXe siècle, notamment Oum Kalthoum et Asmahan. Elle participera à des concours régionaux en Syrie, façonnant ainsi sa personnalité musicale hors de la sphère familiale. Son parcours musical la mène au conservatoire de Damas, où elle se consacre pendant trois années au chant classique lyrique et se perfectionne, en parallèle, dans le jeu de l’oud.
Mais loin de sa terre natale, Paris l’appelle : elle commence à se produire dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, proposé par la Maison des Cultures du Monde. Alors qu’elle est engagée uniquement pour accompagner des œuvres à l’oud, on lui demande un jour d’interpréter un chant et voilà que sa voix séduit. Waed Bouhassoun fait ainsi ses débuts, puis entame une tournée de concerts dans le monde arabe.

Avec ses études d’ethnomusicologie à Paris, elle enrichit ses connaissances de musique occidentale, qui s’invitent dans son univers de musique arabe classique et son patrimoine syrien. Une diversité culturelle qui se retrouve dans son travail avec Jordi Savall, maître catalan de la musique baroque. En 2012, alors qu’éclate le conflit syrien, l’ensemble Hespèrion XXI de Jordi Savall accueille Waed Bouhassoun, au chant et à l’oud, et Moslem Rahal, son compatriote et condisciple du conservatoire de Damas, au ney. Puis naît Orpheus XXI, projet initié par le maître catalan, qui rassemble des musiciens professionnels réfugiés, avec lesquels elle joue régulièrement.

À travers ses trois albums, Waed Bouhassoun développe un style affirmé, avec son jeu précis et sa voix au timbre rare. Force et sensibilité se dégagent de son dernier album La Voix de la passion qui inspire le programme de ses concerts actuels. Il dévoile des textes empruntés à la poésie classique arabe (Ibn Zaydoun, Ibn Arabi, Qays Ibn al-Mulawwah, Adonis), qu’elle a mis en musique et qu’elle interprète. Mais l’oud se prête difficilement à l’accompagnement de cette poésie, car il ne produit pas de souffle continu. C’est alors le ney, flûte en roseau, de Moslem Rahal qui fera le bourdon. Ces poèmes se distinguent par une grande musicalité ; certains servaient à encourager les chameaux à accélérer leur marche, d’autres exhortent à la guerre, célèbrent des victoires, traduisent des lamentations.

Interprète reconnue de la musique savante arabe, Waed Bouhassoun présente pour Les Voix de Silvacane un programme à multiples facettes, avec Moslem Rahal, où se mêlent poésie bédouine du peuple nabatéen, poèmes soufis, textes arabes très anciens ou plus contemporains, chants des années trente et chants patriotiques. Au-delà de leur origine, Waed Bouhassoun aime à rappeler que c’est surtout l’imagination qui joue un rôle important dans la réception de ces poèmes. Ils reflètent des notions de liberté qui touchent l’artiste : la liberté de penser, la liberté de circuler.

La poésie et la voix, c’est le paradis qui touche notre âme.

Waed Bouhassoun