Vendredi 16 juin 2023 — Grand Théâtre de Provence — Festival d'Aix-en-Provence
Ce vendredi après-midi, les équipes du Grand Théâtre de Provence accueillent les nombreux artistes de l’Estonian Philharmonic Chamber Choir, pour une répétition très dense autour des scènes de foule dans Wozzeck d’Alban Berg. Les interprètes se sentent rapidement à l’aise : ils investissent le plateau, prennent position dans les multiples éléments de décor et se préparent à reprendre les mouvements mis en place avec la chorégraphe Leah Hausman.
L’opéra raconte le parcours bouleversant du soldat Wozzeck, rejeté, maltraité et violenté par les différents personnages qu’il fréquente au cours de la narration : il s’agit ainsi de rendre au mieux la confrontation entre un homme solitaire et désespéré, incarné par Christian Gerhaher, et une société qui fait bloc contre lui. Au programme de cette séance de travail, les scènes 4 et 5 de l’acte II : dans celles-ci, Wozzeck, furieux des potentielles infidélités de sa compagne Marie, aperçoit cette dernière dansant au bras d’un autre homme, le Tambour-Major, qui humilie violemment par la suite le soldat meurtri, redoublant ainsi sa détresse.
La scène, la fosse et les gradins du parterre sont occupés par les différents corps de métier qui travaillent d’arrache-pied. Plein centre, dans les gradins, la régie échange au sujet de réglages lumières à appliquer ; la fosse surélevée, à quelques mètres de la scène, est quant à elle investie par le piano à queue – seul support musical pour cette étape de répétition –, les pupitres du chef d’orchestre, Sir Simon Rattle, et des membres de l’équipe artistique. Cette proximité rend possibles un véritable travail de détail et un dialogue constant avec le plateau : la mise en scène et l’interprétation des uns et des autres sont encore malléables.
La répétition doit permettre aux artistes sur scène de prendre possession du plateau et de ses contraintes techniques : en plus des portes d’entrée et de sortie qu’il faut connaître et utiliser avec fluidité à cour comme à jardin, il s’agit de ne pas trébucher sur l’immense plateau central qui tourne sur lui-même. Les équipes techniques veillent à chaque lancement de ce qu’on appelle au théâtre « la tournette » : une partie du sol se met à tourner, comme un tapis roulant, entraînant dans sa rotation les artistes occupant cette partie du décor. Il faut garder son équilibre, ne pas avoir le vertige et surtout continuer à jouer ou à chanter. Plusieurs exercices ont déjà été expérimentés au cours de séances précédentes : marcher alors que la tournette va de plus en plus vite, tandis qu’elle se meut dans le sens inverse du déplacement des interprètes, sauter sur la tournette en action… Autant d’entraînements pour que les considérations techniques ne prennent pas le pas, lors des représentations, sur la musique et que le chant soit au centre de l’attention. Après plusieurs essais, la contrainte semble intégrée et ne plus poser problème : place à la musique !
Tous les corps de métier œuvrent de concert : le Grand Théâtre de Provence est constamment traversé par une foule de techniciens, d’accessoiristes et de cintriers (ces machinistes affectés au mouvement des rideaux, des décors et des appareils d’éclairage) qui communiquent entre eux grâce à des intercom – des talkies-walkies qui permettent aux personnes œuvrant sur un plateau d’échanger efficacement en amont, en aval ou pendant un spectacle.
Au côté des tables de régie, l’attachée de production veille au bon déroulement de la répétition : c’est elle qui vérifie que les artistes travaillent dans les meilleures conditions. Aujourd’hui, elle a été chargée de la question des enfants sur le plateau, car dans Wozzeck, plusieurs scènes font appel à eux : il faut veiller à leur emploi du temps, respecter les impératifs d’horaires définis en amont des répétitions, et faire attention à leur bonne intégration dans l’équipe. Le rôle des services de production est essentiel sur ce point : comme nous l’explique l’attachée de production de Wozzeck, l’enjeu est de « faciliter la rencontre entre les nouveaux arrivants et l’imaginaire que s’est créé le metteur en scène ».
Soudain, la foule s’empare du plateau : la répétition commence. La lumière s’éteint doucement dans la salle, à mesure que fusent, de plus en plus atténués, d’ultimes éclats de voix ; Simon McBurney, entouré de ses assistants, finit quant à lui de donner les dernières indications destinées à orienter l’interprétation de la scène travaillée ce jour-là et à assurer le bon déroulé des enchaînements. La scène commence, mais est rapidement interrompue : le metteur en scène s’élance sur le plateau d’un bond leste, rejoint le chœur et reprend avec eux les placements qu’ils viennent d’adopter. Pour incarner davantage ses idées, il chante des extraits de la partition au micro, en mimant les mouvements qui les accompagnent. La chorégraphe, Leah Hausman, circule continûment entre les choristes pour proposer des gestes alternatifs ou corriger quelques-unes des positions choisies. Rythmée par des interruptions fréquentes, la répétition requiert de toutes et tous une grande patience : chaque modification est susceptible de connaître des répercussions sur plusieurs plans de la production. Elle souligne combien le processus créatif repose sur un dialogue constant, en perpétuelle élaboration.
Aux côtés de l’équipe de mise en scène, Sir Simon Rattle attend les dernières directives techniques pour relancer la répétition. Il s’attaque au tutti des chœurs avec une fougue communicative, fournit le tempo avant chaque entrée du groupe, parle à voix haute sur la musique pour donner des précisions au fur et à mesure des interventions vocales. L’orchestre n’est pas encore là, c’est un pianiste qui assure le travail, et cette configuration permet au chef de développer une relation de grande confiance avec les interprètes : une étape essentielle au bon déroulement de la production, avant l’arrivée de l’orchestre au grand complet.
Aurore Flamion et Raphaëlle Blin
Dramaturges du Festival d'Aix-en-Provence
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