[ CARNET DE RÉPÉTITION ] SAMSON

Au festival
mardi18juin 2024

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Mardi 11 juin 2024 — Théâtre de l'Archevêché — Festival d'Aix-en-Provence

Après plusieurs semaines de répétitions dans les studios de Venelles, où sont également situés les ateliers de décors et de costumes du Festival d’Aix-en-Provence, les artistes de la production très attendue de Samson prennent enfin possession de la scène du Théâtre de l’Archevêché. La fraîcheur du soir, inhabituelle à cette période de l’année, nécessite de partir à la recherche de quelques couvertures afin de rester au chaud tout au long de cette première répétition en plein air. Pour la création mondiale de cet opéra baroque, le metteur en scène Claus Guth et le directeur musical de Pygmalion, Raphaël Pichon, se sont lancés dans un immense travail de réécriture : un livret de Voltaire censuré, une partition de Rameau perdue mais dont on retrouve des passages entiers dans de nombreuses œuvres majeures ultérieures, l’histoire de cet opéra a de quoi intriguer. À partir du Livre des Juges, texte puissant et poétique retraçant l’histoire de Samson, Claus Guth et son équipe ont écrit un scénario inédit embrassant toute la vie du héros. Pour la musique, Raphaël Pichon et ses collaborateurs ont proposé un montage musical parfaitement adapté à ce scénario, puisant dans de multiples œuvres de Rameau, à commencer par celles qui reprennent des pages de Samson, tout en ajustant les textes des livrets originels à la nouvelle intrigue. Les créations du concepteur sonore Mathis Nitschke et la scénographie époustouflante signée Etienne Pluss complètent la reconstitution monumentale de cette fresque biblique. Le décor, à la fois opulent et décadent, représente le Temple de Dagon en ruines après sa destruction, dans lequel machinistes, techniciens, chanteurs, danseurs et régisseurs se pressent. Jarrett Ott interprète Samson, entouré de Jacquelyn Stucker en Dalila et Lea Desandre en Timna, la première femme philistine de Samson. Le charisme solaire des trois chanteurs permet à l’œuvre de rayonner dans toute sa sensualité. 

Au programme de ce soir : le filage de l’ouverture et du prologue de l’opéra, accompagnés au clavecin et à l’orgue, en l’absence de Pygmalion : nous assistons en effet à une « scénique clavecin », une répétition de mise en scène précédant l’arrivée de l’orchestre complet. Au micro, d’une voix chaleureuse mais ferme, Raphaël Pichon donne quelques brèves consignes musicales au chœur et un récapitulatif des placements : entendent-ils les instruments depuis le derrière de la scène, se souviennent-ils de leurs entrées ? Une fois ces problèmes pratiques résolus, la répétition peut commencer. Dans la pénombre du soir, les éclairages et les effets vidéo donnent vie au décor. Seule en scène, la comédienne Andréa Ferréol, originaire d’Aix-en-Provence et connue pour ses nombreux rôles au cinéma comme dans La Grande Bouffe ou Le Dernier Métro, incarne la mère de Samson : narratrice de l’histoire, elle se remémore la venue au monde et la jeunesse de ce fils tant désiré, dont la force se révèle être autant un don qu’un fardeau. Dans la fosse, le chœur des Hébreux chante sa peine dans le poignant « Tribus captives », adaptation du chœur « Que tout gémisse » de Castor et Pollux. Samson, campé par un Jarrett Ott colossal, doit délivrer son peuple des Philistins. La stature et la voix du chanteur ne laissent pas de place au doute : c’est bien le héros biblique que le spectateur a devant les yeux. Le chœur se termine sur une longue plainte, une note tenue qui se transforme en cri déchirant grâce au sound design, dont les effets se fondent avec les accords dissonants répétés du clavecin. Le récit de la mère de Samson nous mène jusqu’au moment de la rencontre de ce dernier avec Timna : Lea Desandre, que l’on a pu entendre récemment lors des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement, descend le grand escalier de marbre et Timna et Samson échangent des œillades sous le regard médusé des Hébreux et des Philistins. Le metteur en scène interrompt le filage afin de donner des indications de jeu au chœur : les Philistins doivent montrer leur surprise et leur mépris pour l’amour de Samson et Timna, tandis que les Hébreux sont censés s’en réjouir. Il faut que chaque membre du chœur ait un geste d’approbation ou de réprobation différent, afin que la scène ait l’air la plus naturelle et vivante possible. Claus Guth, micro en main et casquette sur la tête, monte sur scène et prend le temps de fixer les gestes et les échanges de regards pour parfaire la lisibilité de cet arrêt sur image, dont le « top » est donné par un impressionnant laser balayant la scène de haut en bas.

La répétition se clôt par la reprise de cette dernière scène, dans une atmosphère détendue mais studieuse. Le metteur en scène semble satisfait : dans le brouhaha de la pause, il félicite le chœur et part à la recherche d’une couverture supplémentaire.

Claire Fraysse
Dramaturge du Festival d'Aix-en-Provence

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