RENDRE L’OPÉRA ACCESSIBLE PAR LA PRATIQUE ARTISTIQUE
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Très attendues chaque année, les Journées de Formation permettent aux partenaires de Passerelles – service éducatif et socio-artistique du Festival – de faire l'expérience des ateliers de pratique artistique qu'ils pourront par la suite proposer à leurs publics dans le cadre des parcours de sensibilisation à l'opéra et aux œuvres du Festival. Cette année, ces journées se sont déroulées les 11, 18 et 19 décembre et ont réuni 235 partenaires au sein des Ateliers de construction des costumes et des décors.
Les ateliers de pratique artistique sont au cœur du dispositif de sensibilisation du Festival. Ils sont menés par une vingtaine d'artistes et pédagogues pluridisciplinaires avec lesquels Passerelles construit au fil des ans un lien de confiance permettant d'explorer des propositions originales, chaque fois renouvelées selon les œuvres au programme de l'édition du Festival. À l’occasion de ces journées, nous sommes allés à la rencontre de quatre d’entre eux.
Julie Legaré et Guillaume Mariotti, duo d'artistes derrière le studio de création Mystère Public, collaborent depuis bientôt dix ans avec Passerelles. Cette année, c’est dans l’univers de Louise de Charpentier et Don Giovanni de Mozart qu’ils plongeront les participants de leurs ateliers graphiques. Pour cela, la présentation de l’œuvre, de l’époque et du récit permet de poser le cadre. Place ensuite à l’iconographie et aux influences artistiques qui alimenteront la pratique, elle-même pensée pour rester accessible à tous, que l’on sache, ou pas, manier crayons et pinceaux. Le chef-d’œuvre de Mozart sera l'occasion d'interroger la représentation des enfers, et plus particulièrement celui de Don Giovanni qui s'y voit entraîné par le Commandeur après une vie de débauche, de plaisirs et d'égoïsme. À partir du triptyque iconique Jardin des délices de Bosch, dont le troisième pan est consacré à l’enfer, l’atelier se centrera sur la création d’une fresque collective. Quant à Louise, ce sont les paysages entre ruralité et ville moderne ainsi que l’art du portrait qui feront des participants des peintres en herbe dans le Paris de la bohème, à la manière de Julien, personnage de l’opéra de Charpentier. Pour Julie et Guillaume « l’accessibilité vient par le faire et la pratique. C’est le vécu et l'émotion qui vont donner des indices à l'esprit et au corps pour se souvenir d'un univers et d'une ambiance. Une fois que l’atelier est lancé, on n’a plus qu’à aiguiller, tout le monde est pris dans une sorte de petite cérémonie, de rituel, et c'est cela qui est joli. »
Samuel Lachmanowits et sa Du Schmock Compagnie proposent pour Passerelles depuis quatre ans des ateliers autour du théâtre d’objet. Tout le monde n’étant pas familier avec cet art ludique si particulier, l’atelier démarre naturellement par une présentation de l’outil et de sa grammaire. Issu de la marionnette et conceptualisé dans les années 70, notamment par Philippe Genty et Marie Underwood, le théâtre d’objet s’inspire du travail d’artistes tels que Duchamp et Calder, en poussant la réflexion sur l’objet manufacturé, mondialisé, porteur de signes communs, capables alors de créer du signifiant sur un plateau. Car chaque objet a une couleur, une matière, une forme et un sens ; mis en relation les uns avec les autres, c’est une véritable polyphonie des sens qui naît avec ses enjeux dramaturgiques et scéniques. Ces objets peuvent donc raconter une histoire, en l’occurrence celle de La Calisto, dans une forme synthétique. Samuel nous confie avoir découvert l’opéra en collaborant avec Passerelles « c’est un art assez cathartique où il n’y a qu’à se laisser traverser par les émotions. Le théâtre d’objet permet de le désacraliser puisque finalement on joue avec des objets, et je trouvais cela intéressant de pouvoir synthétiser les opéras avec une petite forme qu’on peut balader facilement pour sensibiliser les publics. »
Côté théâtre, Jeanne Rousselle et sa compagnie La Famille du 5e font entrer les participants dans l’opéra Don Giovanni par la commedia dell’arte dont les personnages archétypaux masqués permettent de travailler l’improvisation et d’aborder le mythe de Don Juan. « Travailler dans le corps c’est ce qui m’intéresse en tant que comédienne et le masque est intéressant car il libère l’expression corporelle, il permet les folies, la nonchalance, les acrobaties. S’amuser avec le corps c’est de la grande comédie ! » nous partage Jeanne qui l’an passé avait déjà introduit le masque par la marionnette japonaise, bunraku, pour l’atelier autour de Madama Butterfly. Symboliquement, le masque lui permet aussi d’évoquer la mise en scène qu’en fera cet été Robert Icke pour qui Don Giovanni et le Commandeur ne font qu’un, dans un jeu de dédoublement d’un même personnage problématique comme peut l’être Don Juan. En revenant aux bases du jeu, de la scène et du rapport au corps, l’idée est d’amener les participants à se familiariser avec ce livret, qui est théâtre, pour que le jour de la représentation tous puissent se dire « je connais cette histoire, elle me parle ! »
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Passerelles propose à l’année plusieurs centaines d’ateliers gratuits, adaptés à tous les publics, développés avec ses partenaires locaux et animés par des artistes et pédagogues pluridisciplinaires. Ces ateliers de sensibilisation permettent d’approcher différentes pratiques artistiques allant du chant choral, à l’écriture, aux arts plastiques et visuels, au théâtre et à la danse, etc. En 2024, Passerelles a organisé 363 ateliers.
Journées de formation Passerelles - Atelier graphique
Décembre 2024 © DR