LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ : « RÉINVENTER ET NON REPRODUIRE »

Au festival
vendredi10juillet 2015

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Collaboratrice de Robert Carsen depuis de nombreuses années, la metteur en scène Emmanuelle Bastet a suivi la production du Songe d’une nuit d’été dans le monde entier. A l’occasion de la “re-création” aixoise du spectacle, 24 ans après sa création sur la même scène, elle évoque pour nous son travail auprès de Robert Carsen et l’évolution du spectacle au gré de ses reprises.

Vous êtes assistante de Robert Carsen sur la reprise du Songe d’une nuit d’été à Aix. En quoi consiste votre travail ?

En tant qu’assistante, je dois garder le spectacle en mémoire. Il s’agit donc surtout de noter la mise en scène, les mouvements, les déplacements des artistes et, avant tout, les intentions et les motivations des différents personnages. Il y a également toute une partie technique et logistique, liée à l’organisation du plateau et au planning. Il faut souvent faire le lien entre les différents services qui entourent une production : la régie, la direction technique, etc. L’échange et la complicité artistique sont aussi des données très importantes. La fonction varie beaucoup selon les metteurs en scène et leurs attentes ne sont pas forcément toujours les mêmes. On se doit donc d’être très adaptable.

Dans le cas du Songe d’une nuit d’été, sur lequel j’étais assistante en 1991, j’ai commencé à rebâtir le spectacle quinze jours avant que Robert n’arrive à Aix, en essayant d’être le plus fidèle possible et de faire en sorte qu’il n’y ait plus, ensuite, qu’à affiner les choses.

À quelles autres reprises du Songe avez-vous participé ?

J’ai participé à presque toutes les reprises, soit une quinzaine en tout : à la Scala de Milan, au Liceu de Barcelone, à l’Opéra de Bordeaux, à l’Opéra Comique, au Théâtre de Caen, à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, à l’Opéra du Rhin ou encore à l’Opéra de Lyon et à l’English National Opera.

Comment gérez-vous les changements de distribution ?

Tout le travail consiste à monter le spectacle avec les personnalités de chacun, sans trop les contraindre et tout en restant fidèle à la conception de Robert Carsen. En général, je préfère ne pas montrer la vidéo du spectacle car cela peut être un frein, or il s’agit de réinventer quelque chose et non de le reproduire. C’est ce créneau étroit, propice à développer l’imaginaire, qu’il faut trouver.

Quelles sont les différences sur cette reprise aixoise, par rapport à 1991 ?

Si l’on reprenait la création de 1991, on verrait que le spectacle a évolué. Au fil du temps, chacun, y compris Robert Carsen, a apporté sa contribution. C’est tout l’intérêt d’une reprise : il faut rendre la chose vivante et ne pas se contenter de reproduire. Au niveau des costumes et des décors, tout ou presque a été changé car les éléments étaient un peu abîmés. Cette reprise aixoise a marqué le bon moment pour refaire le spectacle à neuf : il devrait donc retrouver son éclat d’origine. Les différences se situent surtout sur le plan technique car, entre-temps, le cadre de scène de l’Archevêché a changé et le dégagement dans les cintres n’est plus aussi important. Ainsi, la disparition dans les cintres de la couverture verte, au troisième acte, a constitué un véritable défi pour le service technique qui a dû faire preuve d’une grande ingéniosité.

Vous êtes vous-même metteur en scène. Que vous apporte la fréquentation de l’univers de Robert Carsen et d’autres metteurs en scène comme Yannis Kokkos ?

J’ai rencontré Robert Carsen à mes débuts et je suis restée quinze ans à l’assister sur tous ses projets ou presque. C’est une chance inouïe de l’avoir croisé car il a une connaissance absolue dans tous les domaines de la création d’un opéra. J’ai tout appris à ses côtés. Je crois que je ne serais pas le metteur en scène que je suis aujourd’hui si je ne l’avais pas rencontré.

Cela fait toutefois une dizaine d’années que nous ne collaborons plus trop ensemble car j’ai maintenant ma propre carrière mais, quand les occasions se présentent, c’est toujours avec beaucoup de tendresse et d’admiration que je le retrouve.

Serez-vous des reprises à venir ?

Oui, il est prévu que je sois assistante sur la prochaine reprise du Songe à l’Opéra de Bergen.

Propos recueillis par Anne Le Nabour le 25 juin 2015