CHRONIQUE D’UNE « RENCONTRE EN MUSIQUE »
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Marion, participante au programme Opéra ON et jeune bloggeuse aixoise, revient sur la rencontre en musique organisée avec Guillaume Paire et Nicolas Royez dans le cadre des journées des arts et de la culture à l’Université, sur le campus de Saint-Charles à Marseille.
L’agité du bocal qui empêche de tourner en rond a eu le plaisir d’assister à la première« Rencontre en Musique » de la saison organisée par le service Passerelles du Festival d’Aix dans le cadre d’Opéra ON (que le poisson présentait sur son blog) et des « Journées des arts et de la culture à l’université » mercredi 8 avril 2015. Cet événement, gratuit, s’est déroulé sous le doux soleil du Parvis de l’université St Charles à Marseille. La rencontre était menée par le chanteur lyrique Guillaume Paire et le pianiste-chef de chant Nicolas Royez.
Parvis de l’université Marseille-St Charles. Un piano, quelques chaises.
Guillaume Paire commence par annoncer l’objectif de la rencontre : « échanger autour de l’opéra et des métiers de chanteur lyrique, pianiste et chef de chant ». Le poisson se dit que quand on connaît les missions du service Passerelles, on imagine bien que l’objectif est également de sensibiliser à l’opéra et de montrer que « ce n’est pas si compliqué que ça voire même plutôt accessible ». Guillaume expose ensuite le déroulement de la séance qui durera une petite heure : des extraits musicaux et chantés ponctueront les moments d’échanges avec le public. Le chanteur semble très à l’aise et instaure immédiatement une atmosphère bon enfant et décontractée : « n’hésitez pas à nous arrêter si vous avez une question ».
Pour mettre l’eau à la bouche (facile pour un poisson !), les deux artistes se jettent à l’eau avec un air extrait de L’Italienne à Alger de Rossini, un opéra-bouffe écrit en 1813. Avec les mimiques du chanteur, on comprend tout de suite qu’il s’agit d’un opéra comique. D’ailleurs, Guillaume s’en sert comme prétexte pour ouvrir la discussion : « comment avez-vous perçu cet air ? Comment percevez-vous le chant et l’opéra en général ? » Une dame avoue avoir ri : « C’est la première fois que j’entendais un air d’opéra ». Et elle poursuit : « on ne comprend pas ce que vous dites mais on voit très bien que vous savez, vous, de quoi vous parlez grâce à votre jeu ». Guillaume précise qu’il n’y a pas ce problème de compréhension en condition d’opéra, dans une salle de spectacle, car des surtitres sont affichés. Une autre personne enchaine : « c’est difficile d’être un chanteur d’opéra car il doit être comédien et chanteur en même temps ». Guillaume acquiesce et explique que le métier a beaucoup évolué. Avant, les chanteurs étaient plutôt statiques et se contentaient de chanter leurs airs avec une technique irréprochable alors que maintenant, les metteurs en scène leur demandent de travailler réellement leur jeu. Ainsi, on parle plutôt « d’artistes lyriques » pour montrer ces deux aspects importants du métier aujourd’hui.
Le public semble intéressé et pose une première question : « Comment préparez-vous un rôle ? » On apprend alors que les chanteurs travaillent d’abord la technique avec quelqu’un qui les corrige, le chef de chant. Ensuite, ils « travaillent à la table » et « lisent le rôle », c’est-à-dire qu’ils le déchiffrent avec la partition en appréhendant les différentes langues avec notamment leurs spécificités de prononciation et d’accents. Guillaume et Nicolas proposent ensuite de simuler pour nous une séance de travail : le chanteur ne met pas du tout d’accent dans sa démonstration. C’est « plat ». Nicolas, le chef de chant, l’arrête et lui demande de reprendre en accentuant les voyelles et certaines consonnes : « il faudrait donner un peu plus de relief ». En lui parlant ainsi, il nous montre qu’il choisit bien ses mots et « prend des pincettes » pour ne pas froisser la susceptibilité du chanteur. Il est vrai que les chanteurs lyriques sont connus pour être généralement assez sensibles au vocabulaire utilisé quand on leur parle. Les deux artistes l’expliquent par le fait que « l’instrument du chanteur, c’est son corps ». « Les cordes vocales, évidemment, mais également la tête, le cerveau ». « Il faut donc en prendre soin ». D’ailleurs, le chant demande beaucoup d’énergie, un travail et une rigueur que l’on retrouve dans le domaine du sport. Ainsi, dans ses 6-7 heures de travail quotidien, le chanteur lyrique consacre du temps à réaliser, par exemple, des exercices de respiration et d’abdominaux. Pour illustrer leurs propos concernant les différences d’accents qui ne sont pas toujours faciles à interpréter, un extrait du « Voyage à Reims » de Rossini est joué. Tout à tour, Guillaume enchaine différents accents très reconnaissables : Italien, espagnol, brésilien, français, allemande, anglais, suisse et russe. Son interprétation est très drôle.
La rencontre se poursuit avec Nicolas qui prend la parole. Il est donc chef de chant. Il raconte qu’il a pris des cours de chant pour pouvoir comprendre « ce qui se passe dans le corps des chanteurs, ce qu’il est possible ou non de leur demander physiquement ». Il nous apprend qu’un chanteur a besoin de 3 points d’ancrage pour pouvoir chanter dans des positions particulières. Son métier consiste à remplacer l’orchestre (tous les instruments) pour faire travailler et répéter au mieux les chanteurs selon les directives du metteur en scène et du chef d’orchestre. Pour cela, il doit parfois réduire la partition, la modifier ou même la réécrire si besoin.
Le point commun entre lui et le chanteur réside principalement dans le fait qu’ils sont tous les deux soumis au chef d’orchestre. Cependant, l’artiste lyrique est, quand à lui, aussi entre le metteur en scène et le chef. Guillaume nous confie avec humour que « c’est n’est pas toujours facile » mais que « finalement, le jour de la Première, c’est le chanteur qui a le dernier mot car le chef ne peut pas arrêter le spectacle ». Il poursuit en déclarant, que pour lui, les différentes visions et versions des metteurs en scène créent un réel intérêt. D’ailleurs, il propose d’en montrer un exemple. Après l’extrait de l’air de Papageno de la « Flûte enchantée » de Mozart, il sollicite le public pour lui demander de lui proposer une mise en scène différente. « Plutôt qu’oiseleur, choisissez-lui un autre métier, contemporain de notre époque ». Après plusieurs suggestions (garagiste, pêcheur, professeur,…), c’est « proxénète » qui est choisi par Guillaume. « On teste et vous m’arrêtez quand vous trouvez que cela ne va pas. C’est comme cela que le metteur en scène crée ». S’ensuit un moment drôle et complice entre le chanteur et le public qui n’hésite pas à le reprendre et lui faire modifier son interprétation. La bonne humeur communicative du chanteur semble avoir contaminé son auditoire.
Pour finir cet échange, les deux artistes demandent s’il y a une dernière question. « Comment décide-t-on de devenir maître de chant ? » demande un monsieur à Nicolas Royez. « J’ai d’abord beaucoup joué en solo et en orchestre ». « Pour moi, il est très intéressant de bosser avec les chanteurs. Le répertoire du chant est incroyable. Le jour de la représentation, je suis une sorte de conseiller artistique, soit en coulisses pour réajuster directement l’interprétation du chanteur, soit dans le public pour prendre des notes pour la suite ».
Les deux artistes clôtureront ces discussions en interprétant un air d’une opérette des années 30, « Dédé » d’Henri Christiné avec pour objectif de montrer, en comparaison avec les extraits précédents, toute l’étendue du répertoire des chanteurs lyriques.
Le poisson Marcel remercie le service Passerelles du Festival d’Aix, Nicolas Royez et Guillaume Paire pour avoir offert ce moment enrichissant, décontracté et informel au petit public présent venu exprès pour l’occasion et les quelques curieux s’étant assis. Il déplorera seulement la faible présence d’étudiants. Dommage… ou… tant pis pour eux !
Le poisson Marcel
Retrouvez l’agité du bocal qui empêche de tourner en rond sur son blog : www.unpoissonnommemarcel.wordpress.com