[ REQUIEM ] LA PRESSE EN PARLE

Au festival
samedi6juillet 2019

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LE FIGARO 

À Aix, le Requiem de Mozart vibre pour la planète. En ouverture du Festival, Romeo Castellucci et Raphaël Pichon signent une splendide méditation sur la beauté du monde et sa désintégration.
Il y a des spectacles après lesquels on se sent heureux. C’est le cas de la soirée d’ouverture du Festival d’Aix 2019.(…) Ce qu’ont proposé le chef Raphaël Pichon et l’homme de théâtre Romeo Castellucci dans leur traduction scénique du
Requiem de Mozart, c’est tout simplement un grand moment de poésie.(…)
Dans l’intervalle, les mots qui défilent sur la paroi du fond se sont faits plus prégnants : des dinosaures, on s’est progressivement rapproché de nous, et là où un autre se serait lancé dans une plate dénonciation du réchauffement climatique, Castellucci nous confronte à des interrogations autrement fondamentales face à un monde en train de se désincarner et de perdre le rapport au corps, à la pensée, au beau. C’est le beau qui l’a emporté, avant-hier soir, dans la Cour encore humide du Théâtre del’Archevéché.

 

LE MONDE 

Romeo Castellucci, le "Requiem" à la vie à la mort.
Dirigé par Raphaël Pichon, le chef-d'oeuvre mozartien a ouvert en beauté le Festival d'Aix.
De puissants courants chamaniques sont à l’œuvre, qui incitent les créateurs à la tentation du dogme. Le Gulf Stream de la naïveté réchauffe parfois les plus grands. Ainsi Castellucci et la symbolique attendue des couleurs – entre le blanc de la naissance et le noir du deuil, le rouge sang de la vie –, ou l’image d’Epinal de danses folkloriques évoquant les rites païens de quelque peuple balkanique, qui, pour avoir demandé au chœur Pygmalion un travail de mise en place herculéen, appauvrit l’aura visionnaire. (…)

LIBÉRATION 

La messe des morts devient une ode à la vie.
À Aix, Romeo Castellucci et Raphaël Pichon proposent une expérience de la finitude en s'emparant de l'oeuvre inachevée de Mozart.
Secondé, voire accouché par le chef Raphaël Pichon, fasciné par les visions du metteur en scène et audacieux dans son tricot musical (incorporant au Requiem des œuvres de jeunesse et du plain-chant), par ailleurs remarquablement interprété sur instruments d’époque malgré l’humidité, Castellucci tente au Théâtre de l’Archevêché devant mille personnes plutôt senior la réalisation d’une prise de conscience intime venue de l’enfance. Celle où on découvre que rien ne survivra à rien, que le temps n’est qu’un vertige de l’effondrement, une aspiration éternelle vers la fin de notre vie, de la terre, du soleil, de l’univers… Et si parfois la machine créatrice grippe, elle nous propose aussi de superbes images : celle du jeune (et incroyable) enfant-chanteur Chadi Lazreq jouant au foot avec une tête de mort, et celle d’un bébé planté sur la scène détruite, qui nous regarde dans le silence. Il n’a que quelques mois, nous étions lui et il sera nous, nous avons réussi à ressentir cette boucle sans fin sinistre dans laquelle nous disparaissons pourtant.

 

OPERA TODAY

Le coup de théâtre  (en français dans le texte) a été le cataclysme qui s'est produit dans la  « Communion » de la liturgie du Requiem, les âmes devenant un tout avec Dieu, criant leur joie, détruisant les murs blancs du monde. Le sol de la scène se leva lentement, devenant vertical, les débris du mur et la saleté noire du monde glissant au hasard vers le bas pour révéler, enfin, un mur blanc.. Mort. Silence. (…)
La scène était la musique, et la musique était la scène. L'orchestre Pygmalion du maestro Pichon, avec ses instruments d’époque, était la voix et le monde de l'homme, le son pur des  vents solistes étaient l'innocence, le violon en duo avec le garçon soprano étaient la nature. L'éloquence des liturgies du
Requiem émergeait sans cesse de la fosse dans un phrasé limpide qui créa une incarnation profonde et véritablement humaine de cette messe de mort.

 

LE POINT 

Le metteur en scène Romeo Castellucci et le chef d'orchestre Raphaël Pichon signent un « Requiem » de Mozart époustouflant au festival lyrique d'Aix-en-Provence. (…)Le plateau se lève, la vie glisse et change de plan, le vertical remplace l'horizon et la révolution remet les choses en place. Mozart naît encore et encore. L'on fait monter au ciel la soprano Siobhan Stagg, l'alto Sara Mingardo, le ténor Martin Mitterrutzner et la basse Luca Titttoto et bien sûr l'extraordinaire chœur et orchestre Pygmalion. Une voix d'enfant se fait entendre. Elle chante. Sur scène, un bébé est posé par les « Ève ». Il pleure. Il crie. Une naissance. Une révélation ? À nous de le nommer.

 

DIE DEUTSCHE BÜHNE 

Avec ce Requiem de Mozart, Romeo Castellucci est désormais un créateur de théâtre de génie. A sa manière, il crée un théâtre obstiné, ancré dans la réalité, qui ouvre sur l’homme, ses peurs et ses espoirs.
Son astuce ce soir consiste à mettre en scène un théâtre dramatique parfois énigmatique, mais toujours impressionnant.
Lorsque des drapeaux noirs sont agités dans l'obscurité, le chagrin causé par la mort et la disparition physique d'un humain se déploie dans toute sa grandeur. La finitude s'impose comme une expérience quotidienne réprimée.
Enfin, le plancher de la scène s’élève très lentement sur une tabula rasa, ce qui permet à tous les débris laissés par le chœur de glisser. Soudain, le merveilleux garçon de sept ans, Chadi Lazreq, monte à nouveau derrière le chef d'orchestre pour un "In paradisum" grégorien qui charme tout le public. Seul le (vrai) bébé, qui nous émerveille au milieu d’une scène déserte, est encore plus émouvant . Quelle image !

 

SCÈNEWEB 

En ouverture du Festival d’Aix-en-Provence, Romeo Castellucci et Raphaël Pichon réinventent génialement le Requiem de Mozart. Convaincus de sa portée théâtrale, ils en font la mémoire vivante des grandes disparitions dans le monde et placent au cœur de sa représentation la danse et l’enfance comme sources de régénérescence.
Très adepte de dichotomies, le metteur en scène joue sur les oppositions et les ambivalences. Le noir funèbre, qui teinte le plateau endeuillé lorsqu’une vielle femme attend la mort en fumant sa dernière cigarette devant son écran de télévision puis disparaît sous les draps de son lit, cédera vite la place à un espace d’un éclat immaculé. Cette lande désertique est éminemment propice aux visions et projections bienheureuses de l’artiste italien. La blancheur marmoréenne nouvellement apparue évoque un Parnasse éternel bientôt recouvert de terre régénérante et d’arbres verdoyants. Même menacée, cette nature matricielle accueillera la fête et le bonheur.
C’est ainsi que Castellucci fait du Requiem un rituel qui n’a rien de pompeux et d’exagérément lacrymal, mais qui est emprunt d’une douceur inattendue, d’un fort élan vital qui se traduit par une allégresse et une candeur enjouées tout à fait étonnantes.