Rayonnement du Festival d'Aix aux États-Unis : entretien avec FrÉdÉric Fekkai et Jean-Claude Gruffat

Au festival
samedi7mai 2016

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Fondé il y a plus de dix ans, IFILAF (International Friends of the International Lyric Art Festival) réunit aux États-Unis des passionnés d’opéra autour du Festival d’Aix-en-Provence. Ces amis américains soutiennent et suivent assidument, tout au long de l’année, les projets et les tournées américaines des productions du Festival. Ils  se retrouvent ensuite chaque été à Aix pour vivre l’opéra sous le ciel de Provence.
Co-présidents du Board d’IFILAF aux États-Unis, Frédéric Fekkai et Jean-Claude Gruffat ont récemment assisté au succès new-yorkais de l’
Elektra de Patrice Chéreau produite au Festival d’Aix-en-Provence en juillet 2013. À la sortie de la représentation au Metropolitan Opera, nous leur avons posé quelques questions sur le rayonnement du Festival d’Aix aux États-Unis et sur ce qui fonde son attractivité.

L’Elektra de Patrice Chéreau est une production emblématique du Festival d’Aix-en-Provence dont la première mondiale, donnée à Aix, reste dans les mémoires. Après avoir débuté sa tournée à la Scala de Milan, cette Elektra est aujourd’hui au Metropolitan Opera. Comment les membres d’IFILAF accompagnent-ils le rayonnement international du Festival d’Aix aux États-Unis et à New York en particulier ?
Jean-Claude Gruffat : IFILAF s’appuie sur les productions phares du Festival d’Aix pour établir sa politique de communication et de levée de fonds aux États-Unis. Ces actions sont d’autant plus efficaces quand les productions d’Aix parcourent les grandes scènes américaines, qui plus est lorsqu’une maison aussi prestigieuse que le Metropolitan Opera est coproductrice, comme ce fut le cas pour Elektra.

Frédéric Fekkai : En 2013, après la première d’Elektra au Festival d’Aix, l’Alliance française de New York a retransmis sur grand écran cette ultime mise en scène de Chéreau. Cette projection par cet important partenaire-relais new-yorkais a été suivie d’une rencontre avec le public à laquelle prenaient part Peter Gelb, Directeur du Metropolitan Opera, et Richard Peduzzi, créateur des décors. À l’occasion de la programmation d’Elektra au Metropolitan Opera, une deuxième rencontre avec le public américain a eu lieu en avril dernier autour de la production aixoise. Peter Gelb et Richard Peduzzi étaient à nouveau présents, cette fois accompagnés du metteur en scène Vincent Huguet, de la créatrice des costumes Caroline de Vivaise, et de Nina Stemme, qui reprenait le rôle-titre au Met.

JCG : La programmation d’Elektra au Met est un gage d’excellence pour les Américains amateurs d’opéra. Aussi, ai-je proposé de capitaliser sur cette notoriété en réunissant des mélomanes et des mécènes d’opéra américains, autour de Bernard Foccroulle et de la fascinante mezzo-soprano Waltraud Meier. C’est en petit comité que nous avons, ensemble, travaillé à consolider les liens entre les mécènes membres d’IFILAF et ces mélomanes qui ont fait de l’opéra leur passion, n’hésitant pas à voyager dans le monde entier pour assister aux meilleures représentations.

FF : Plus largement, IFILAF organise chaque année plusieurs événements pour les mécènes américains du Festival d’Aix, dont, à l’automne, un dîner de gala destiné à lever des fonds pour le Festival et l’ « Operatic Getaway », voyage annuel de trois jours à Aix-en-Provence. Ce voyage sur-mesure est devenu LE rendez-vous des amis américains du Festival d’Aix pour vivre le meilleur de l’opéra dans un cadre provençal sans pareil.

Elektra mais aussi la création mondiale de Written on Skin de George Benjamin ou encore Le Rossignol et autres fables dans l’audacieuse mise en scène de Robert Lepage, également représentés en tournée à New York au Lincoln Center et à la Brooklyn Academy of Music, ont retenti à travers le monde et ont permis au Festival de se forger une image forte, très loin de son territoire. Selon vous en quoi le Festival d’Aix se distingue-t-il des autres scènes d’opéra d’envergure internationale ?
FF : Le Festival d’Aix jouit d’une excellente réputation aux États-Unis. Les médias américains lui reconnaissent un rôle de leader et de laboratoire de l’opéra du XXIe siècle.

JCG : Le Festival défend une vision bien à lui de l’opéra et de sa relation avec le monde réel. C’est une vision qui se traduit par la mise en place de coproductions et de partenariats solides et durables et par des actions visant à développer le public de l’opéra et qui témoigne d’un professionnalisme unanimement reconnu. La notoriété du Festival d’Aix aux États-Unis est réelle et s’en voit renforcée chaque fois que ses productions sont coproduites par des institutions américaines telles que le Metropolitan Opera, le Lincoln Center, ou encore la Brooklyn Academy of Music. Ces coproductions demeurent encore le meilleur argument pour convaincre le public américain !
 
FF : Au Festival d’Aix, chaque soir de représentation, on est gagné par cette passion qui emporte les artistes distribués au Festival : qu’ils chantent déjà sur les plus grandes scènes à travers le monde ou qu’ils soient jeunes talent, à Aix tous sont au service de l’œuvre et de l’opéra.

Le Festival d’Aix-en-Provence, c’est aussi ce contexte unique d’un festival de plein air sous le ciel de Provence. Quels souvenirs vous-même, ainsi que les membres d’IFILAF, gardez-vous de cette expérience festivalière ?
FF : Je me souviens avoir été invité, adolescent, à assister à une représentation des Noces de Figaro et à accéder aux coulisses. Cette première fois est restée gravée dans ma mémoire comme un moment extraordinaire, féérique et délicieux. Aixois d’origine, j’ai quitté la région pendant plus de vingt ans. Ce n’est que récemment que je suis retombé amoureux de cette ville, de la Provence et de son style de vie. Au hasard d’une déambulation dans la vieille ville, quelle magie d’entendre les notes de musique échappées d’une cour… Cela n’arriverait pas à New York ! Le Festival d’Aix a tous les atouts pour enchanter et convaincre un public jeune et international, c’est pourquoi je suis partie prenante pour me faire prescripteur et participer au développement de sa notoriété et de son image.

JCG : Je me souviens du Nez à Aix, qui a ensuite été donné au Lincoln Centre à New-York. Avec cette production, j’ai découvert le travail du plasticien sud-africain William Kentridge que je suis désormais régulièrement. Je l’ai récemment retrouvé avec plaisir à la Frieze Art Fair à New York. C’est là l’une des particularités du Festival d’Aix : la capacité à créer au cœur de la Provence des passerelles entre les cultures et les continents, entre les répertoires et les disciplines.