HOMMAGE À GABRIEL BACQUIER (1924-2020)

Au festival
jeudi14mai 2020

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Le plus célèbre des barytons français de la seconde moitié du XXe siècle vient de nous quitter. Sa carrière a été étroitement liée à l’histoire du Festival d’Aix-en-Provence.

En 1960, Gabriel Dussurget lui offre deux occasions en or : d’abord, en tant que conseiller artistique de l’Opéra de Paris, il le programme en juin dans le rôle de Scarpia, face à la Tosca de Renata Tebaldi ; puis, en tant que directeur du Festival, il l’invite un mois plus tard à Aix-en-Provence, cette fois pour le rôle-titre de Don Giovanni. Son chant onctueux, sa présence solaire (l’air du champagne, la sérénade !), sa manière de faire vivre avec naturel, élégance et une pointe de distance amusée le moindre détail des récitatifs de Mozart et Da Ponte, font merveille. La représentation, dans les décors légendaires de Cassandre, est retransmise en Eurovision : elle lui assure un succès international qui ne se démentira pas. Une nouvelle captation, en 1964, complète ce portrait saisissant.

Par la suite, Gabriel Bacquier, homme du Sud par excellence, est le compagnon de route du Festival pendant plus de trente ans. Une première époque est essentiellement consacrée à Mozart : Don Giovanni, bien sûr (encore en 1967), mais aussi Alfonso dans Così fan tutte (tout au long des années 1960 et dans la dernière partie des années 1970), et Figaro puis Le Comte dans Les Noces (1964 et 1970). Peu à peu, d’autres propositions lui sont faites, dont certaines prises de rôle majeures, qui lui permettent de faire briller ses talents d’acteur exceptionnels, aussi bien dans le registre tragique (un Golaud saisissant en 1966 et 1968) que comique – avec Falstaff (1971), Dulcamara et Don Pasquale (1975, 1978 et 1990), enfin Le Roi de Trèfle dans L’Amour des trois oranges (1989).

Un reportage tourné en 1990, à l’occasion des trente années de présence aixoise du baryton (il incarne alors une dernière fois Don Pasquale), lui permet de retrouver son mentor, dans un hommage croisé des plus touchants. L’instrument a évidemment perdu de sa superbe, mais l’abattage scénique de cet acteur-chanteur né est inentamé : « Monsieur Bacquier n’est peut-être pas la plus belle voix qui soit », concède Dussurget. « Non, c’est la voix que la nature m’a donnée » renchérit le chanteur avec sa simplicité et sa verve coutumières. « Mais, conclut le maître d’Aix, il est le plus grand Don Juan que j’ai connu depuis 50 ans. Voilà. »