FABRIZIO CASSOL PREND SES QUARTIERS D'ÉTÉ À AIX

AcadémieAu festival
vendredi7juillet 2017

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Passionné de musiques du monde, le compositeur et saxophoniste belge, Fabrizio Cassol prend ses quartiers d’été au Festival d’Aix, et ce pour plusieurs événements.

 

Rendez-vous à la nuit tombée au Théatre de l’Archevêché ce dimanche 9 juillet pour le concert De l’Orient aux profondeurs balkaniques avec son groupe de jazz Aka Moon.
Pour ce concert au Festival d’Aix, le trio et ses complices proposent un programme où les nuances musicales du pourtour méditerranéen sont mises à l’honneur. Relevant le pari de l’interculturalité et laissant une large place à l’improvisation, les compositions inédites de ce programme se dressent comme un pont jeté entre les musiques du monde arabe et celles des Balkans, et explorent toutes les arborescences de leur fructueuse combinaison.

Retrouvez Fabrizio Cassol au saxophone en tant que musicien de scène sur Pinocchio – création mondiale de Joël Pommerat sur une composition contemporaine de Philippe Boesmans (le 3, 7, 9, 11, 14 et 16 juillet au Grand Théâtre de Provence).

Enfin, Fabrizio renouvelle sa venue au Festival d’Aix pour encadrer la session de création interculturelle de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée du 7 au 19 juillet. Ouvert à une douzaine de musicien.ne.s improvisateur.rice.s issu.e.s du bassin méditerranéen, ce programme proposé par l’Académie du Festival d’Aix offre l’opportunité à ces jeunes artistes de vivre une expérience formatrice de la vie d'un ensemble interculturel en création, en résidence et en concert. Cet été, assistez à la master class publique de Fabrizio Cassol le 18 juillet à 12h à l’Hôtel Maynier d’Oppède et découvrez la création interculturelle en concert le soir-même à 21h30.

Pédagogue passionné, Fabrizio Cassol nous livre dans cet entretien son rapport à la transmission, notion qui est particulièrement chère à ce musicien qui s’est « consacré, corps et âme, […] aux différentes musiques dites du monde ».

Vous allez coordonner et diriger la session interculturelle 2017 de l’OJM, en quoi la notion de transmission est importante à vos yeux ?

C’est une question cruciale que celle de la transmission. Or, dès lors qu’une question s’avère centrale, il est difficile de savoir par quel angle l’aborder…

 

Pour le dire autrement, qu’est-ce qui vous incite à transmettre aujourd’hui ?

Tout au long de mon parcours, j’ai accumulé toutes sortes d’expériences et reçu des connaissances diverses et variées. Transmettre m’invite à me poser les questions suivantes : quel savoir ai-je acquis ? Qu’est-ce que je fais de tout ce que j’ai accumulé ? Dois-je disparaître avec ?

Je me suis consacré, corps et âme, jour et nuit et sur un quart de siècle, aux différentes musiques dites « du monde ». L’heure est venue de songer à la manière la plus opportune pour transmettre toute mon expérience. La majorité de mes amis musiciens sont également enseignants dans les conservatoires ou ailleurs. Ce n’est pas mon cas. Certes, je participe à quelques workshops et donne des master-classes 2 ou 3 fois par an, mais je n’ai pas d’élève régulier.

Pour les musiciens, les enseignements sont multiples et variés. Ils prennent parfois des allures de secrets, de recettes, de confidences. Il n’est donc pas évident pour moi de transmettre quelque chose que j’ai reçu mystérieusement, dans un rapport intime et parfois même sur le vif.

 

Quelques mots sur les deux sessions interculturelles auxquelles vous avez pris part ces dernières années…

Revenons pour commencer au sens des termes que l’on emploie. L’idée même d’interculturalité suppose une disponibilité à ouverture, ce qui signifie dans ce cas précis que les musiciens de la Méditerranée forment lors de ces sessions un cercle qu’il est nécessaire d’ouvrir en permanence. Je veux dire par là qu’il faut toujours veiller à ne pas céder à la tentation de fonctionner en circuit fermé.

En tant que coordinateur, je remarque que la notion de composition n’est pas la même pour tous, qu’il s’agisse de musique reliée à l’écriture,  ou plutôt associée à l’oralité. Pour certains, reprendre une musique préexistante peut être considéré comme un acte compositionnel tandis que d’autres, préfèrent parler d’arrangement. Il est donc important de se saisir et de distinguer ces deux notions. La préparation d’un concert se révèle être un exercice d’autant plus essentiel que ces jeunes musiciens seront amenés à monter des projets de concert dans les délais resserrés qu’impose aujourd’hui le monde du spectacle vivant.

 

Qu’attendez-vous de cette rencontre avec ces jeunes de tous les horizons ?

Je souhaite inciter chacun de ces musiciens à donner le meilleur de lui-même comme à prendre le meilleur de l’autre.

 

Des projets ou, mieux encore, des rêves ?

Je nourris l’espoir de confronter ces musiciens à l’idée de « collectif ». En effet, que ce soit en France, en Allemagne, en Angleterre ou aux États-Unis, les groupes de jazz se sont pour la plupart construits à partir de collectifs. Cela signifie que des musiciens ont senti pour une raison ou pour une autre un intérêt commun et qu’ils ont placé toute leur force, leur talent et leur énergie pour construire quelque chose ensemble.

La création de « collectifs » constitue à mon sens le futur des musiques de la Méditerranée. En effet, il manque souvent à ces musiciens l’expérience des grands ensembles. Leurs musiques se sont développées dans des configurations plus réduites. On peut certes trouver de grands orchestres à cordes mais l’idée de collectif n’a pas vraiment été explorée. Quand je dis « collectif », je pense à des gens qui, forts de leurs idéaux et de leur sensibilité artistique, choisissent d’unir leurs forces.

 

Pensez-vous que ce rêve puisse devenir réalité ?

C’est une réflexion que j’ai amorcée il y a plus de 20 ans à l’occasion de discussions avec des musiciens arabes. Or, à l’époque ce rêve semblait impossible à réaliser. Ces sessions interculturelles permettent aujourd’hui de favoriser la communication entre les musiciens du bassin méditerranéen, de les inviter à se rencontrer, à échanger, à trouver des terrains d’entente et à se réinventer au contact des autres. On n’a jamais vu cela dans l’histoire de la musique de toute cette région… De quoi ouvrir le champ des possibles !

 

Propos recueillis par Aurélie Barbuscia, juin 2017