A comme Amore

Au festivalAcadémie
samedi16juin 2018

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À l’issue de son époustouflante master-class publique, je n’ai pu résister à la tentation de poser quelques questions à Roberta Ferrari, pianiste, continuiste et cheffe de chant italienne qui, dans le cadre de la résidence Mozart à l’Académie du Festival endosse également la casquette de « conseillère linguistique ». Des métiers de l’ombre aux feux de la rampe, une seule et même finalité : que la magie de l’opéra opère…

Quelques mots sur votre parcours…

L’un de mes oncles était violoniste à la Scala de Milan. Je n’avais pas encore soufflé mes cinq bougies qu’il me demandait déjà de l’accompagner au piano. Dès 15 ans, j’ai commencé à accompagner des chanteurs de la Scala et à me produire en concert çà et là pour des récitals lyriques. Je préférais de loin être aux côtés des chanteurs plutôt que de me retrouver seule chez moi pour aborder le répertoire strictement pianistique. Mon professeur Adalberto Tonini du Conservatoire de Milan a eu l’intelligence de m’encourager à approfondir mon exploration du répertoire lyrique. Il ne s’y trompait pas : dès l’obtention de mon diplôme, j’ai remporté une bourse d’étude à la Scala en qualité de répétitrice/cheffe de chant. Deux mois plus tard, j’ai remporté l’audition aux Arènes de Vérone où je suis restée quatre ans. Après un passage dans les Théâtres de Treviso et de Gènes, me voilà cheffe de chant, mais aussi pianiste et claveciniste à la Fenice de Venise depuis 1998. Quel bonheur pour moi de travailler dans ce théâtre à l’acoustique exceptionnelle ! C’est un véritable salon où tout s’entend parfaitement, une petite bonbonnière qui donne encore plus de sens à mon travail. Malgré un agenda bien rempli, je suis parvenue à mener de front une carrière de « maman ». Cela m’a demandé de lever le pied lorsque mes deux enfants étaient plus jeunes, mais maintenant qu’ils ont gagné en autonomie, je peux me permettre de quitter la péninsule pour honorer de belles invitations telles que celles du Festival d’Aix et de son Académie !

Votre plus grande satisfaction ?

Ce qui me plaît le plus dans mon travail, c’est le fait d’accompagner les jeunes ! Mais, si je dois évoquer un souvenir en particulier, je pense immédiatement à La finta giardiniera de Mozart, production de l’Académie du Festival d’Aix 2012 sous la direction d’Andreas Spering. Les chanteurs de la distribution, alors à leurs débuts, sont tous devenus célébrissimes : Sabine Devieilhe, John Chest, Layla Claire et j’en passe… Cet opéra regorgeant de récitatifs, on a travaillé d’arrache-pied sur la langue, la diction. Les chanteurs se sont prêtés au jeu avec enthousiasme et rigueur, mais surtout avec une intelligence inouïe : signe distinctif des chanteurs de l’Académie. Et je dois dire que cet investissement collectif a porté ses fruits : du point de vue de la marche de progression et des résultats obtenus, cette production m’a comblée plus que toute autre au cours de ma carrière.

Quelques mots sur votre participation à la résidence Mozart 2018…

J’interviens ici en tant que conseillère linguistique, cheffe de chant, répétitrice comme je l’ai fait il y a trois ans. Cette année, je dois dire que l’atmosphère est encore plus joyeuse que par le passé. Il est vrai que ce n’est que le début de la résidence et que la fatigue arrivant et les concerts approchant, la tension finit toujours par monter… Au-delà du travail sur la diction et le phrasé, le métier de cheffe de chant requiert de véritables compétences en psychologie ! Il m’arrive d’assurer le coaching de chanteurs : sur une séance d’une heure, on fait parfois ¼ d’heure de musique et ¾ d’heure de conversation. Force est de constater que le simple fait de mettre des mots sur des émotions permet de débloquer la plupart des situations. Je mets tout en œuvre pour qu’ils gagnent en confiance, qu’ils choisissent la voie/voix qui est en chacun d’eux, mais l’exercice le plus ardu reste de faire tout cela sans qu’ils s’en aperçoivent : Zitto, Zitto ! / Nur stille! stille! stille! stille!

Interview avec Roberta Ferrari, propos recueillis et traduits par Aurélie Barbuscia.