FALSTAFF VU PAR BARRIE KOSKY

Au festival
vendredi18juin 2021

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À deux semaines de la première représentation de Falstaff au Théâtre de l’Archevêché,  le metteur en scène australien Barrie Kosky évoque son attachement particulier pour le dernier opéra composé par Giuseppe Verdi.

Verdi a marqué l’histoire de l’opéra au XIXe siècle avec des drames comme La Traviata, Rigoletto, Le Trouvère ou encore Ottelo. C’est pourtant vers le genre de la comédie qu’il se tourne à la fin de sa vie pour explorer de nouveaux horizons musicaux. La place particulière qu’occupe Falstaff dans son œuvre a toujours fasciné  le metteur en scène Barrie Kosky : « Pour son dernier opéra, Verdi n’a pas seulement choisi un sujet très différent de ses œuvres précédentes, il a aussi développé un langage musical inédit. Malgré ses quatre-vingts ans, il a été influencé par les transformations des formes musicales et théâtrales en cours dans l’opéra italien. Falstaff fait partie de ces œuvres qui sont davantage tournées vers le XXe siècle que le XIXe. Comme des prophéties qui annoncent les changements artistiques en gestation. »

À l’origine, Falstaff est un personnage créé par William Shakespeare qui apparaît dans les pièces Henry IV (1596-1598) et Les Joyeuses commères de Windsor (1602). S’il est l’une des plus grandes figures comiques de tous les temps, Barrie Kosky voit également en lui un être d’une grande profondeur qui, à la manière d’un Don Quichotte, ne cesse de nous interroger sur le sens de nos actions : « Il ne faut jamais oublier que toutes les grandes comédies de Shakespeare sont aussi de grandes tragédies. Il y a quelque chose de l’humanité blessée dans La Nuit des rois, Comme il vous plaira ou Le Songe d’une nuit d’été. Toutes ces pièces que l’on qualifie de « comédies » ou de « comédies pastorales » sont aussi profondes qu’Othello, Hamlet et Macbeth. Elles empruntent simplement d’autres chemins. Une idée reçue voudrait que la comédie ne soit qu’un pur divertissement. Or ce n’est pas le cas. Dans Falstaff, il y a du vaudeville et plein d’autres ressorts comiques qui existaient déjà dans le théâtre grec de l’Antiquité mais c’est aussi une œuvre sur des personnes à la recherche de l’amour. Le désir, la jalousie, la haine et la solitude sont les thèmes centraux de la plupart des grands chefs-d’œuvre. Ils se retrouvent également dans Falstaff. Il y a quatre éléments très importants dans cette pièce : la nourriture, la boisson, le sexe et la mort – les trois premiers servant à échapper au dernier. À la fin de l’opéra, Falstaff déclare qu’il faut s’amuser de tout. C’est un homme qui cherche, qui mange, qui boit et qui essaie de comprendre le monde qui l’entoure. D’une certaine manière, il est comme nous tous. »

Cette profondeur métaphysique n’éclipse pas pour autant la dimension comique qui représente pour Barrie Kosky le plus grand défi à relever sur scène : « Durant ma carrière, j’ai monté aussi bien des opérettes que des pièces comiques et des opéras sérieux. Je peux vous assurer que c’est toujours dix fois plus exigeant de mettre en scène une comédie qu’une tragédie. La véritable comédie est quelque chose de très organique qui repose sur le rythme et les enchaînements. Cela demande énormément de répétitions pour être réglé. Le rire au théâtre repose sur une technique et une construction très complexes. C’est un pari difficile à relever mais je le fais avec beaucoup de plaisir ! »

Louis Geisler