« 1978 : L’UNE DES PREMIÈRES MISES EN SCÈNE D’ALCINA AU XXe SIÈCLE »

Au festival
jeudi2juillet 2015

Partager

Il y a vingt-sept ans, Alcina déployait pour la première fois ses charmes sur Aix-en-Provence. Alors que le chef-d’œuvre de Haendel revient cet été au Festival, la soprano Chistiane Eda-Pierre, interprète du rôle-titre en 1978, évoque pour nous ses souvenirs de la production…

Parlez-nous de votre histoire avec le Festival d’Aix-en-Provence.

Cela remonte à loin. J’ai débuté au Festival d’Aix-en-Provence en 1959, deux ans seulement après ma sortie du Conservatoire ; je chantais Papagena dans La Flûte enchantée. C’était me faire une grande confiance ! Je suis de la génération Gabriel Dussurget qui m’a découverte et fait débuter à Aix où j’ai ensuite été invitée régulièrement pour des concerts, la Reine de la nuit, mais aussi pour participer au Carnaval de Venise de Campra et à cette fameuse Alcinade 1978.

Quel souvenir gardez-vous de cette Alcina ?

J’en garde un souvenir extraordinaire. La production avait ceci d’émouvant qu’il s’agissait d’une des premières mises en scène d’Alcina au XXe siècle, même s’il y avait bien eu des enregistrements auparavant, par Teresa Berganza notamment. Je me souviens aussi m’être très bien entendue avec le metteur en scène Jorge Lavelli, le chef d’orchestre Raymond Leppard et Teresa Berganza qui incarnait Ruggiero. C’était une très belle distribution !

Chanter Alcina a marqué un tournant dans ma carrière, amorcé, dès 1974, avec Les Puritainsqui m’avait déjà amenée vers des emplois plus dramatiques. Cette prise de rôle s’est donc inscrite dans une progression très naturelle.

Comment voyez-vous ce rôle ?

Pour moi, Alcina est une magicienne qui perd tous ses pouvoirs à partir du moment où elle tombe amoureuse. Elle devient fragile, à la merci de tout, et ne peut plus rien contrôler. Soudain, tout lui échappe.

À quoi ressemblait la mise en scène de Jorge Lavelli ?

C’était une mise en scène assez moderne. Il n’y avait pas vraiment de décors mais des tentures tenues par des figurants. À un moment du spectacle, je me trouvais ainsi au sommet d’une estrade, entourée de grands draps blancs tombant des cintres vers la scène. Le seul souci était, qu’au niveau des costumes, nous étions enfermés dans des chapes en cuir qui nous enserraient du cou jusqu’aux pieds. Je me sentais comme une momie et cela m’empêchait de chanter. J’ai donc demandé à Jorge Lavelli d’inclure des fentes latérales à mon vêtement.

Comment cette production a-t-elle été accueillie ?

La scénographie très légère a été plus ou moins bien reçue par une petite partie du public. Il faut dire que les productions de Jorge Lavelli faisaient rarement l’unanimité. Toutefois l’accueil, dans son ensemble, pour les artistes notamment, a été très favorable.

Qu’en était-il de l’interprétation musicale ?

Elle était absolument magnifique, Haendel étant le compositeur de prédilection de Raymond Leppard. C’était un orchestre sur instruments modernes.

Avez-vous eu l’occasion de reprendre ce rôle ultérieurement ?

Non, cette prise de rôle d’Alcina à Aix a marqué ma seule incarnation du personnage. Les propositions ultérieures n’ont malheureusement jamais abouti, pour des questions d’emploi du temps mais aussi de versions, car les coupures, dans ce type d’œuvre, varient toujours beaucoup d’un chef d’orchestre et d’un metteur en scène à l’autre.

Propos recueillis le 16 juin 2015 par Anne Le Nabour

A VOIR: Christiane Eda-Pierre en interprète d’Alcina dans la production de 1978