LA MAGIE DES RÉPÉTITIONS DE SELLARS ET CURRENTZIS SUR IOLANTA / PERSÉPHONE

lundi15juin 2015

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Le mois de juin est à mes yeux le plus passionnant de tous : suivre le développement de chaque production, l’apparition des moments de grâce comme des difficultés à résoudre, c’est la partie la plus intense et la plus excitante du travail de toute l’année.

Chacune des productions de cette édition 2015 mériterait un commentaire spécifique, tant les atmosphères, les musiques, les styles de direction d’acteurs sont contrastés. Je me contente ici d’un seul exemple : les répétitions de Iolanta de Tchaïkovski et Perséphone de Stravinski. Le choix des deux ouvrages est délibéré : deux œuvres plutôt méconnues de compositeurs majeurs, deux œuvres magnifiques travaillées ici dans le sens d’une profonde intériorité et d’une dimension spirituelle bouleversante.

Ces répétitions constituent pour tous les participants des moments inouïs. Tout d’abord en raison de l’investissement total de Peter Sellars et Teodor Currentzis, qui expriment leur passion et leur compréhension de ces deux pièces avec une chaleur et une intensité incroyables. Il faut voir et entendre comment dès la première répétition musicale, Teodor Currentzis habite chaque rôle, chaque scène, chaque mot, dans une relation fusionnelle avec ses interprètes. Il faut vivre également cette présence irradiante de Peter Sellars qui commente chaque situation, chaque phrase musicale auprès des solistes et du chœur.
Et surtout, il y a ce dialogue permanent entre les deux artistes qui va jusqu’à l’inversion des rôles : bien souvent, Teodor fait une suggestion de mise en scène, propose un geste plus expressif, et Peter se base à chaque instant sur la musique pour expliquer la dramaturgie de l’œuvre et construire sa mise en scène.
Bien sûr, ils ne se contentent pas de refaire la mise en scène de Madrid : ils sont occupés à livrer une nouvelle lecture, une nouvelle mise en scène de ces deux oeuvres, ils repensent en profondeur certains passages, adaptent la scénographie aux contraintes du lieu. C’est un travail de création authentique qu’ils nous proposent, à chaque instant !

Je voudrais que ceux et celles qui pensent que l’opéra est devenu aujourd’hui l’objet d’une dictature – c’est généralement aux metteurs en scène que l’on adresse cette critique ! – puissent vivre de tels moments qui nous redisent cette vérité fondamentale : l’opéra est avant tout un art du dialogue, de la compréhension mutuelle, un art qui exige le dépassement de soi dans la rencontre avec l’autre.

C’est certainement cette intensité dans le travail en commun qui donnera aux représentations de Iolanta et Perséphone leur dimension exceptionnelle.

Bernard Foccroulle