« TROUBLE FÊTE, COLLECTIONS CURIEUSES ET CHOSES INQUIÈTES » : LA FASCINANTE EXPOSITION DE MACHA MAKEÏEFF

Au festival
jeudi27mai 2021

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L’on se souvient de Macha Makeïeff au Festival d’Aix-en-Provence pour avoir créé les costumes de mémorables opéras — L’Enlèvement au sérail de Mozart en 2003, 2004 et 2007 ainsi qu’Erismena de Cavalli en 2017 —, nous la retrouvons au Palais de l’Archevêché à l’occasion de son exposition « Trouble fête, collections curieuses et choses inquiètes », qui se tient au Musée des Tapisseries du 19 mai au 7 novembre 2021. 

Créée en 2019 à la Maison Jean Vilar, à Avignon, l’installation est recréée à Aix-en-Provence. L’autrice, metteuse en scène et scénographe Macha Makeïeff — actuelle directrice de La Criée, Théâtre National de Marseille — propose, à travers cette exposition, un « récit immobile » en écho à son spectacle Lewis versus Alice et à son livre Zone Céleste, paru aux éditions Actes Sud.

« Un récit immobile », car ce n’est pas le spectacle qui se meut mais le spectateur ou la spectatrice qui chemine, guette, observe çà et là tout ce que son œil retient et interroge : objets — vestiges de pièces théâtrales et opératiques, souvenirs intimes de Macha Makeïeff, étranges archétypes — ou animaux — félins, oiseaux, canidés — figés, naturalisés, dont le regard suggère une infinie tristesse et délivre un sens caché. Puis, il y a les mots, ceux de Macha sur Georges, son frère, ces mots déchirants issus de Zone Céleste, recouvrant les murs du Musée et encerclant ceux qui y pénètrent de leur sens : « Le véritable scandale, c’est d’avoir grandi ». Lewis Carroll n’est jamais loin ; sur les murs, figurent ses mots aussi : « Quel âge avez-vous ? / Sept ans et six mois. / Sept ans et six mois ! C’est un âge bien malcommode. Si vous m’aviez demandé mon avis, je vous aurais dit : arrêtez-vous à sept ans ! Mais à présent il est trop tard, trop tard, trop tard ». Non, Georges n’a pas grandi, et dans son rejet de cet autre monde qui est le nôtre, Macha Makeïeff voit une « splendide résistance » face à la « trahison » et à l’ « imposture » du réel.

Tout au long de cette mystérieuse « traversée », les choses sont livrées par fragments, impressions et sons. Suivant les sept espaces de l’exposition — « Désastre — Vieille Russie ; Désir — Se sauver », « Georges, Lewis et la petite fille », « Apaches Paradis », « Chambre rare », « Chambre excentrique », « La volière », « Cagibi d’Agnès et refusés », « L’escabeau » —, se joue une création sonore de Christian Sebille — compositeur, artiste sonore et directeur du GMEM, Centre National de Création Musicale de Marseille — où retentissent des voix lyriques comme autant d’échos aux souvenirs suspendus entre les murs du Palais de l’Archevêché.

C’est ainsi que Macha Makeïeff parsème le Musée des Tapisseries de tout ce que son enfance lui a légué. Elle dit, sans dire, évidemment, la terrible présence de tout ce qui est absent. Car, « rien ne meurt de ce que l’on a aimé ou redouté dans ces temps de l’enfance », écrit-elle.

À l’entrée de l’exposition, ces mots accueillent le public : « Come in! Entrer dans une maison pour être moins perdue ». Pourtant, l’on se perd. Peut-être pour mieux se trouver ? Alors, entrez. Nous, nous en sommes sortis changés.