PREMIÈRE DÉCOUVERTE DU FESTIVAL…

Passerelles
mercredi17juillet 2013

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Le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, c’est d’abord le chant des cigales lorsqu’on arrive sur place.

Ensuite, place à une autre musique…

Nous avons eu l’immense chance de découvrir le Festival tel que le public le voit rarement : répétitions, discussions avec les metteurs en scène ou leurs assistants ainsi qu’avec le directeur Bernard Foccroulle. Pour la débutante en matière d’opéra que je suis, ces différentes rencontres ont été enthousiasmantes : j’ai découvert l’envers du décor, aussi bien au niveau de l’ensemble du festival que pour chaque opéra vu.

J’espère arriver à faire revivre à travers ces quelques lignes la magie de ces trois jours à Aix-en-Provence et de ces rencontres.

Assister à la répétition scène-orchestre d’Elena avec Jean-Yves Ruf (à la mise en scène) et Leonardo Garcia Alarcon (à la direction d’orchestre) fut une entrée en matière absolument captivante. On s’imagine communément qu’un opéra nécessite de longues heures de préparation mais être présent lors des séances de travail permet de se rendre compte concrètement de l’effort fourni pour obtenir une forme parfaite lors des représentations. L’expérience est d’autant plus passionnante qu’Elena est un opéra baroque qui n’a pas été mis en scène depuis 1659 et dont la partition n’indique pas les entrées des différents instruments : observer ce travail de création (ou de recréation ?) de la part de Leonardo Garcia Alarcon, en étroite collaboration avec Jean-Yves Ruf, a donc été un très grand privilège… augmenté par le plaisir de voir une répétition placée sous le signe de la bonne humeur. Nous pouvons remercier Jean-Yves Ruf et Leonardo Garcia Alarcon d’avoir bien voulu nous laisser prendre part à leur travail, ainsi que d’avoir pris un peu de leur temps pour venir nous parler (il s’agit ici aussi de remercier Pauline Lambert qui, au préalable, nous avait donné des explications éclairantes sur la pièce). La prestation des chanteurs (particulièrement des contre-ténors), les décors, les costumes : tout cela offre un spectacle musical et visuel fascinant et réussi, qu’on attend impatiemment de pouvoir écouter en intégralité sur Radio Classique !

Le lendemain, Bernard Foccroulle – directeur du Festival – a eu l’amabilité de nous recevoir pour parler du festival et de son regard sur l’opéra en général. L’entretien fut très dense ; je retiendrai pour ma part trois éléments qui m’ont particulièrement intéressée : j’ai pu comprendre plus précisément le fonctionnement d’un festival lyrique ; surtout, la volonté du directeur de tourner le Festival vers la Méditerranée, en  plus des pays du Nord, me semble une initiative séduisante qu’il faudra suivre ; de la même manière, la volonté de B. Foccroulle de faire de l’opéra un lieu vivant et de l’ouvrir à des groupes sociaux qui n’ont pas forcément la possibilité de s’y rendre m’apparaît comme un objectif nécessaire (surtout pour la mission de service public) à une époque de crise économique où la culture ne doit pas être laissée de côté. Les initiatives concrètes prises en ce sens par le Festival d’Aix-en-Provence depuis plusieurs années apparaissent ainsi comme une belle manière de briser les barrières symboliques entre l’opéra et ce public encore hésitant, et de diffuser la culture.

Cette journée fut également riche en évènements : la possibilité de voir une Masterclass de violon, expérience nouvelle pour moi et très amusante. J’ai apprécié le côté pédagogique de l’exercice, et l’humour d’Andreas Keller en tant que professeur. Cette séance sur Haydn et son op.76 n°5 m’a donné envie de réécouter cette œuvre.

Le soir, nous avons eu la chance d’assister à la générale de Don Giovanni, mis en scène par Tcherniakov : le théâtre de l’Archevêché offre un magnifique cadre de plein air à l’opéra, et cette journée s’est donc terminée en beauté par cette représentation non-conventionnelle mais intéressante de l’une des plus grandes œuvres du répertoire… si intéressante que deux volatiles ont même souhaité profiter du spectacle, nichés dans un coin du décor…

Il a été très agréable de pouvoir discuter le lendemain de ce choix scénique avec Gilles Ricco, l’assistant à la mise en scène de Dimitri Tcherniakov qui a eu la gentillesse de nous consacrer une heure de son temps. Ses réponses claires aux questions du groupe ont permis de mieux saisir le but du metteur en scène, de comprendre en détail les choix scéniques et la tonalité que Tcherniakov a voulu donner à l’ensemble de la pièce.

Notre séjour s’est alors achevé en apothéose avec la prégénérale d’Elektra mis en scène par Patrice Chéreau. C’est une représentation que j’ai beaucoup appréciée, notamment par la volonté de P.Chéreau d’accorder une égale importance à la vision des trois personnages féminins (Electre, Clytemnestre et Chrysothémis) : ce choix donne un éclairage sensiblement nouveau à l’œuvre et la rend encore plus captivante en permettant au spectateur de comprendre les motivations et les souhaits de chaque personnage, voire de s’identifier à eux. La sobriété des décors, des costumes et de la mise en scène s’alliait parfaitement avec la force et la violence de la musique de Strauss. Comme pour Elena, un tel spectacle ne donne qu’une envie : le revoir lors de sa diffusion sur ARTE !

Ces trois jours au cœur du Festival d’Aix-en-Provence ont donc été pour moi un grand moment de découverte et de plaisir, ainsi qu’une expérience extrêmement enrichissante à tous points de vue.

Et je recommande évidemment à toute personne désireuse de belles rencontres d’opéra – peu importe sa connaissance de ce monde-là – de venir faire un tour dans ce joli coin du Sud de la France…

Mélanie Thoinet, étudiante à l’ENS Paris III